Le projet de loi de financement de la sécurité sociale (« PLFSS ») pour 2022 prévoit plusieurs mesures concernant les dispositifs médicaux numériques et la télésurveillance. En plus d’introduire la prise en charge de la télésurveillance par l’assurance maladie dans le droit commun (voir notre article « les dispositifs médicaux de télésurveillance : de l’expérimentation à l’entrée dans le droit commun »), le PLFSS pour 2022 propose la création d’un nouveau dispositif de prise en charge anticipée pour certains dispositifs médicaux numériques.
Il s’agit d’un dispositif qui présente des similarités tant avec le forfait innovation[1] qu’avec la procédure de prise en charge transitoire d’indications innovantes[2], mais il s’en distingue pour mieux prendre en compte les spécificités des dispositifs médicaux numériques.
L’article 33 du PLFSS pour 2022 est en cours d’examen par l’Assemblée nationale, en lecture définitive.
Quelles sont les conditions pour bénéficier de cette prise en charge anticipée ?
La prise en charge anticipée, demandée par l’exploitant du dispositif médical numérique, est conditionnée à 4 critères cumulatifs :
- le dispositif médical doit être présumé innovant, en termes notamment de bénéfice clinique ou de progrès dans l’organisation des soins, d’après les premières données disponibles et compte tenu d’éventuels comparateurs pertinents ;
- le dispositif médical doit bénéficier du marquage CE dans l’indication considérée ;
- l’exploitant du dispositif médical doit garantir la conformité aux règles relatives à la protection des données personnelles ainsi qu’aux référentiels de sécurité et d’interopérabilité ;
- le dispositif médical doit permettre d’exporter les données traitées dans des formats interopérables appropriés et comporter, le cas échéant, des interfaces permettant l’échange de données avec des dispositifs ou accessoires de collecte des paramètres vitaux du patient.
Les modalités d’appréciation de ces conditions de prise en charge seront fixées par décret.
Quelles seront les modalités de prise en charge des dispositifs médicaux concernés par ce nouveau dispositif ?
La durée de la prise en charge
La prise en charge anticipée du dispositif médical sera décidée, dans une indication donnée, pour une durée d’un an et n’est pas renouvelable.
La forme de la prise en charge
Cette prise en charge prend la forme d’un forfait versé à l’exploitant du dispositif médical, au distributeur au détail ou à l’opérateur de télésurveillance médicale.
Le montant de la compensation financière versée à l’exploitant du dispositif médical sera fixé par arrêté ministériel. Autrement dit, ce montant ne sera pas négocié entre l’industriel et le Comité économique des produits de santé.
L’article 33 du PLFSS renvoie à un décret le soin de fixer les règles de fixation du montant de la compensation financière versée à l’exploitant ainsi que ses modalités de versement.
Quelles sont les obligations de l’industriel ?
Le dépôt d’une demande d’inscription sur une liste de droit commun
Pour bénéficier du dispositif de prise en charge anticipée numérique, l’industriel doit s’engager à déposer une demande d’inscription sur une liste de droit commun pour l’indication revendiquée dans un délai prédéterminé (6 mois pour la LPPR et 9 mois pour la liste « télésurveillance ») permettant d’assurer la jonction entre l’accès anticipé et le droit commun.
L’obligation de continuité de traitement
Le bénéfice de cette prise en charge anticipée du dispositif médical impose à l’exploitant de remplir une obligation de continuité de traitement d’une durée d’au moins six mois – ou de 45 jours si l’indication se voit refuser une prise en charge de droit commun.
En cas de non-respect de cette obligation, l’entreprise s’expose à une sanction financière plafonnée à 30% de son chiffre d’affaires hors taxes réalisé en France au titre du dispositif médical numérique durant une période initialement fixée à 2 ans et ramenée par le Sénat à dix-huit mois précédant la constatation du manquement. Notons que la décision prononçant cette pénalité est attaquable.
Pendant la période de continuité de traitement, le dispositif continue d’être pris en charge, soit dans le cadre du droit commun (si le dispositif a été admis au remboursement), soit dans les conditions qui prévalaient pendant la période de prise en charge anticipée.
On peut se réjouir de cette mesure qui vise à accélérer l’accès aux dispositifs médicaux présumés innovants dans l’attente de leur évaluation par la HAS.
Toutefois, ce nouveau mécanisme de prise en charge fait naître une question stratégique pour les industriels : quels impacts la compensation financière fixée unilatéralement par les ministres va-t-elle avoir sur les négociations de prix avec le CEPS ?
[1] Le forfait innovation permet la prise en charge d’innovations de rupture que la HAS ne peut pas encore admettre au remboursement faute de données (article L. 165-1-1 du code de la sécurité sociale)
[2] La procédure de prise en charge transitoire concerne les dispositifs médicaux qui disposent déjà de toutes les évaluations cliniques nécessaires et qui sont en passe d’être inscrits sur la LPPR (article L. 165-1-5 du code de la sécurité sociale)