Pour rappel, dans un objectif de régulation des dépenses de l’assurance maladie, des remises peuvent être négociées entre le CEPS et les industriels de santé, dites « remises produits » ou « remises conventionnelles »[1]. Elles trouvent leur fondement dans l’article L. 162-18 du code de la sécurité sociale (CSS) et peuvent prendre différentes formes[2].
Ces dernières restent confidentielles[3] et sont à l’origine d’une décorrélation entre le « prix facial », correspondant au prix public, et le prix net, qui s’entend déduction faite des remises produits versées au bénéfice de la CNAM.
Dans des arrêts de la fin de l’année 2023, les cours administratives d’appel de Versailles et de Paris ont apporté d’intéressantes précisions sur les obligations du CEPS en matière de remises prix/volume.
Les remises ne peuvent porter que sur les ventes réalisées au titre des indications pour lesquelles le prix a été fixé
Dans l’affaire Takeda[4], le laboratoire contestait un montant de plus de 9 millions d’euros de remises mises à sa charge au titre des ventes de la spécialité ENTYVIO pour 2017. Sur cette année, la spécialité était inscrite sur la liste « en sus » dans la rectocolite hémorragique (RCH) et bénéficiait d’un financement dérogatoire dans la maladie de Crohn (MC). Les remises appelées ont concerné les ventes portant sur les deux indications.
La cour administrative d’appel de Versailles a fait droit aux arguments la société Takeda, selon lesquels les avenants de prix doivent se lire en combinaison avec les arrêtés ministériels d’inscription correspondants, lesquels distinguent selon l’indication thérapeutique. Ainsi, l’indication MC n’ayant été inscrite sur la liste « en sus » que postérieurement à l’avenant servant de fondement aux remises en cause, seules les ventes au titre de l’indication RCH devaient être prises en compte.
Le juge a précisé que, dès lors que la convention de prix prévoyait que le chiffre d’affaires serait constaté à partir des déclarations trimestrielles faites au GERS et que le ministre ne démontrait pas que ces données ne correspondraient pas à celles produites par Takeda (issues du GERS et du PMSI), les données produites par le laboratoire devaient être retenues pour le calcul des remises.
La cour d’appel a donc confirmé le jugement de première instance[5] qui avait ordonné la récupération de 9 millions d’euros de remises au bénéfice de Takeda, calculées, à tort, sur les ventes d’ENTYVIO dans l’indication MC.
Conclusion : les ventes réalisées au titre d’une indication hors périmètre de la convention de prix doivent être exclues du calcul des remises, même si cette indication bénéficie d’une prise en charge. Dans l’affaire Takeda, il était question d’un financement dérogatoire. A notre sens, cette solution est transposable aux ventes réalisées au titre de la liste « collectivités » (puisque le prix n’est pas fixé par convention).
En revanche, en cas d’extension des indications remboursables, le CEPS n’a pas l’obligation de revoir la clause prix/volume (DM)
Dans deux arrêts Cook France[6], l’industriel contestait l’application par le CEPS d’une clause de remises mutualisées restée inchangée en dépit de l’extension des indications remboursables de son produit (et donc de la hausse des ventes).
La cour administrative d’appel de Paris a jugé que le CEPS n’avait, pour les DM, aucune obligation de renégocier les clauses de remises prix/volume en cas d’extension des indications prises en charge. Elle a considéré qu’il s’agissait d’une simple faculté pour le CEPS.
A la lecture de l’arrêt, on peut toutefois penser que l’industriel aurait pu exiger une révision du prix au regard de l’évolution de la population cible.
Ces arrêts ouvrent une série de réflexions :
- pour les conventions déjà conclues : doit-on systématiquement s’opposer au versement de remises sur des indications hors périmètre de la convention ? Comment ventiler entre les ventes réalisées au titre des différentes indications ?
- mais aussi pour les conventions à venir : quelles clauses insérer dans la convention pour se prémunir contre une évolution non anticipable des ventes ? Comment déminer les principaux sujets de désaccord avec le CEPS sur le calcul des remises ?
[1] Elles représentent en 2021 un reversement de 15,3% de la dépense remboursée, soit près de 29 millions d’euros, selon le Rapport annuel du CEPS de 2021 (dernier rapport publié).
[2] Remises à la première boîte ; clauses prix/volume ; clauses de CTJ, posologie ou durée de traitement ; clauses de bon usage ; clauses de caping ou financement forfaitaire ; clauses de performance ou de résultats.
[3] Objet de l’article 2 de la convention de prix signée entre le CEPS et l’industriel.
[4] CAA Versailles, 20 décembre 2023, Takeda France, n° 21VE02141.
[5] TA Cergy Pontoise, 3 juin 2021, Takeda France, n° 1811733.
[6] CAA, 29 décembre 2023, Cook France, req. n° 23P00909 et n° 22PA04005.
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