Par sa décision n° 2025-875 DC rendue vendredi, le Conseil constitutionnel a statué sur la conformité à la Constitution des dispositions de la loi n° 2025-199 du 28 février 2025 de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2025. Publiée au Journal officiel le même jour, la loi est entrée en vigueur le 1er mars 2025, sauf dispositions contraires.

En matière de produits de santé, la plupart des dispositions ne sont pas immédiatement applicables. On attend en effet de nombreuses mesures d’application qui font de l’entrée en vigueur de la LFSS un véritable casse-tête.

Afin de faciliter la mise en œuvre opérationnelle de la LFSS 2025 pour les entreprises, nous publions un échéancier d’application des principales mesures qui concernent les médicaments (voir également notre échéancier des mesures qui concernent les DM).

Vous retrouverez : 

  • Dans le tableau 1, les mesures relatives à l’accès au marché, à savoir : 
    • l’augmentation du plafond des remises commerciales que les industriels peuvent consentir pour les biosimilaires et hybrides substituables
    • les modifications apportées sur le régime subordonnant la prise en charge de certains médicaments à la remise d’un formulaire établi par le prescripteur 
    • les modifications concernant les critères légaux de fixation du prix 
    • les conséquences de l’achat public (national ou européen) d’une spécialité sur sa prise en charge de droit commun (et celle des spécialités comparables) 
    • la remise du rapport annuel du CEPS au Parlement avant le 30 septembre de l’année n+1
  • Dans le tableau 2, les mesures relatives au « regulatory », à savoir :
    • les mesures relatives aux ruptures d’approvisionnement : précisions sur les stocks et les plans de gestion des pénuries, élargissement du recours aux ordonnances conditionnelles, de la faculté de substitution du pharmacien, durcissement des sanctions de l’ANSM (montant et publicité)
    • la création de sanctions financières en cas de non-renseignement du système d’information sur la disponibilité des médicaments d’intérêt thérapeutique majeur (MITM
    • la réduction du délai permettant la substitution automatique des biosimilaires 
  • Dans le tableau 3, les mesures relatives à la clause de sauvegarde (CS M), à savoir : 
    • les mesures relatives à la réforme de la CS M : précisions et modifications d’assiette et de calendrier, report au 1er janvier 2027
    • les mesures spécifiques à la CS M 2025 : fixation du montant M 2025, plafonnement de la contribution individuelle pour certains médicaments, plafonnement du rendement collectif 

Tableau 1 : Les mesures relatives à l’accès au marché des médicaments

Art.Objet de la mesureApplication immédiateMesures d’application à venir
Art. 33Augmentation du plafond des remises commerciales sur les biosimilaires, les hybrides substituables[1], et les spécialités de référence dont le prix est identique  (alignement sur le plafond des remises commerciales pour les génériques)OUI/
Art. 48[2]Précisions sur la possibilité de subordonner la prise en charge d’un médicament lorsqu’il est particulièrement coûteux pour l’assurance maladie ou en cas de risque de mésusage, à laprésentation par le patient d’un document établi par le prescripteur[3]NON[4]– Texte réglementaire permettant le recours à un téléservice et précisant les éléments que le prescripteur communique pour vérifier (i) qu’il a préalablement consulté le DMP ou (ii) que sa prescription respecte les indications remboursables – Arrêtés fixant les produits, actes et prestations soumis à la mesure, et précisant la nature des informations à renseigner
Art. 75Ajout d’un critère légal de fixation de prix : prix ou tarif[5] du médicament fixé dans le cadre d’un achat public (national par Santé public France ou dans le cadre d’un achat conjoint européen)OUI/
Art. 75Obligation de tenir compte de l’implantation des sites de production dans la tarificationOUI/
Art. 75 Possibilité pour les ministres de suspendre les procédures d’inscription au remboursement et de tarification pour la spécialité faisant l’objet d’un achat public et l’ensemble des spécialités comparables ou à même visée thérapeutique[6]OUI/
Art. 78Remise du rapport annuel du CEPS au Parlement avant le 30 septembre de l’année n+1OUI/

Tableau 2 : Les mesures relatives au « regulatory » des médicaments

Art.Objet de la mesureApplication immédiateMesures d’application à venir
Art. 75Possibilité pour l’ANSM d’autoriser les titulaires d’AMM à constituer temporairement un stock de sécurité d’un niveau inférieur à celui en principe imposé[7]NONDécret en Conseil d’Etat fixant les conditions de cette autorisation[8]
Art. 75Définition du contenu, des conditions d’élaboration et d’actualisation des plans de gestion des pénuries et détermination des conditions dans lesquelles l’ANSM peut soumettre à des exigences renforcées les médicaments faisant régulièrement l’objet de risques de ruptures ou de rupturesNONDécret en Conseil d’Etat (i) définissant le contenu et les conditions d’élaboration et actualisation des plans de gestion des pénuries et (ii) fixant les conditions de soumission à des exigences renforcées
Art. 75Extension des obligations de recours auxordonnances conditionnelles auxrisques de rupture d’approvisionnement ou pour préserver la disponibilité des médicaments dont la demande fait l’objet de variations saisonnières[9]OUI/
Art. 75Extension de la faculté de substitution, par le pharmacien d’officine, d’un MITM par un autre médicament conformément à une recommandation établie par l’ANSM aux risques de ruptureOUI/
Art. 75Augmentation des montants des sanctionsen cas de manquements aux obligations de stock[10]OUI/
Art. 75Publication des sanctions de l’ANSM pendant 1 an(sauf réduction par l’ANSM)[11]OUI, sauf pour la réduction de la duréeDécret en Conseil d’Etat définissant les conditions dans lesquelles l’ANSM peut réduire la durée de publication
Art. 76Soumission des laboratoires à sanction financière pour non-renseignement du système d’information sur la disponibilité des MITM[12]NONDécret en Conseil d’Etat précisant les modalités de financement du système d’information, les catégories de données à renseigner, les conditions d’accès aux données, leur durée de conservation, les destinataires ainsi que les exigences de sécurité et de traçabilité du système 
Art. 77Réduction du délai de substitution automatiquedes biosimilaires à 1 an suivant l’inscription du premier biosimilaire sur la liste « ville » (sauf avis contraire de l’ANSM)[13]NONArrêté autorisant le pharmacien à substituer, sauf avis contraire de l’ANSM
Art. 77Substitution par un biosimilaire limitée à l’absence de dépenses supplémentaires pour l’assurance maladieOUI/

Tableau 3 : Les mesures relatives à la clause de sauvegarde médicament

Art.Objet de la mesureApplication immédiateMesures d’application à venir
Art. 29Exclusion de l’ERI et l’EMI[14] des montants remboursés de l’assiette de la CS MNON[15]/
Art. 29Élargissement de l’assiette de la CS M aux médicaments pris en charge au titre d’une « AMM miroir » et ceux bénéficiant d’une prise en charge hors AMM (et hors accès compassionnel)NON15/
Art. 29Contribution nulle lorsque le montant remboursé pour un laboratoire est inférieur au montant des remises conventionnellesNON15/
Art. 29Modifications de calendrier[16]NON15/
Art. 29Suppression de la contribution au titre de médicaments destinés au traitement de l’hépatite COUI/
Art. 29Fixation du montant M 2025 à 27,25 milliards d’€OUI/
Art. 29Plafonnement individuel de la CS M 2025 à 1,75% du CA HT réalisé au titre des spécialités génériques(1°), celles sous tarif forfaitaire de responsabilité (2°) et celles appartenant à certaines classes thérapeutiques lorsque le prix de vente est inférieur à un certain seuil (3°)[17]OUI sauf le 3° Décret définissant les classes thérapeutiques et le seuil du prix de vente pour chacune d’entre elles permettant aux spécialités de bénéficier du plafonnement
Art. 29Précision sur le calcul de la part due au titre de la progression du CA pour la CS M 2025 pour les médicaments acquis par Santé publique FranceOUI/
Art. 29Plafonnement individuel dérogatoire à 10% du CA HT pour la CS M 2025OUI/
Art. 29Plafonnement du rendement de la CS M 2025 à 1,6 milliard d’€[18]OUI/
Art. 29Report de la réforme sur la CS M au 1er janvier 2027[19]OUI/

[1] Les remises commerciales sont en principe plafonnées par année civile et par ligne de produits, pour chaque officine, à 2,5% du PFHT. Cette mesure étend la possibilité de faire bénéficier les pharmaciens d’officine à des remises sur les biosimilaires et les hybrides substituables dans un pourcentage fixé par arrêté dans la limite de 50% du PFHT.

[2] Le Conseil constitutionnel a énoncé 2 réserves d’interprétation sur cet article : (i) il reviendra au prescripteur d’informer préalablement le patient de l’absence de prise en charge de ces soins s’il ne présente pas un tel document au professionnel appelé à exécuter la prescription et (ii) en l’absence d’un tel document ou si le document indique que ces conditions n’ont pas été remplies, ces dispositions doivent être interprétées comme imposant au prescripteur, lorsqu’il a prescrit au patient un soin qui aurait dû ouvrir droit à une prise en charge, d’établir ou de modifier ce document dans des délais adaptés à l’état de santé du patient et sans qu’il ne puisse en résulter des frais supplémentaires pour ce dernier.

[3] La LFSS prévoit qu’en conséquence de cette nouvelle mesure, l’article L. 162-19-1 du code de la sécurité sociale (modifié par l’article 73 de LFSS pour 2024), portant l’actuelle procédure d’accompagnement à la pertinence des prescriptions, est abrogé.

[4] La LFSS prévoit une entrée en vigueur le 1er janvier 2026.

[5] Sont déduites les différentes remises ou taxes.

[6] Il s’agit d’une décision des ministres prise pour une durée qu’ils déterminent et qui ne peut excéder celle de l’épuisement du stock de cette spécialité, dans la limite de 2 ans.

[7] Pour rappel, les titulaires d’AMM sont tenus de constituer des stocks d’au moins 2 mois pour les MITM et 1 semaine pour les autres médicaments (et pour les MITM, l’ANSM peut augmenter ces seuils dans la limite de 4 mois).

[8] Il s’agit du même décret en Conseil d’Etat que celui prévu au deuxième l’alinéa du I de l’article L. 5121-29 du code de la santé publique.

[9] Ces mesures sont imposées par arrêté.

[10] Les sanctions encourues peuvent aller pour les personnes morales jusqu’à 50% (contre 30% jusqu’alors) du chiffre d’affaires réalisé lors du dernier exercice clos pour le produit ou le groupe de produits concernés dans la limite de 5 millions d’euros (contre 1 million d’euros aujourd’hui). De plus, une astreinte journalière par jour de rupture peut être prononcée, d’un montant maximal de 50% (contre 30% jusqu’alors) du chiffre d’affaires journalier moyen réalisé en France par l’entreprise au titre du dernier exercice clos pour le produit considéré. 

[11] Les sanctions étaient jusqu’ici publiées 1 mois.

[12] Une convention entre l’Etat, la CNAM et l’ANSM doit être conclue pour confier au CNOP la mise en œuvre du système d’information. A défaut de conclusion de la convention, le ministre chargé de la santé définit par arrêté les modalités de la mise en œuvre du système d’information par un autre responsable.

[13] Le délai prévu par l’article 54 de la LFSS pour 2024 était de 2 ans.

[14] Les EMI et ERI sont des mécanismes d’indemnisation des établissements de santé dans le cas où, pour une spécialité donnée, le prix d’achat est inférieur aux tarifs négociés nationalement par le CEPS. Les établissements sont indemnisés à la hauteur de la moitié de la différence entre le prix d’achat constaté et le prix négocié nationalement.

[15] Application à compter du 1er janvier 2027 pour la CS M due au titre de l’année 2026. 

[16] – Ajout à l’article L. 138-13 du code de la sécurité sociale : notification par le CEPS du montant de la remise exonératoire due, avant le 1er octobre de l’année n+1 ; 

– Modifications à l’article L. 138-15 du code de la sécurité sociale : communication à l’ACOSS du montant total remboursé au titre des médicaments avant le 15 juin (mais report possible au 15 juillet) ; si absence de demande de rectification de la liste des médicaments pris en compte communiquée par l’ACOSS dans un délai de 20 jours, celle-ci est réputée acceptée ; communication par le CEPS du montant des remises avant le 31 juillet.

[17] La LFSS prévoit que cette mesure ne peut avoir pour effet de diminuer le montant total de la contribution. Par conséquent, le montant dû au titre des spécialités autres que génériques, sous TFR, et appartenant aux classes thérapeutiques visées lorsque leur prix est inférieur à un certain seuil pourra être augmenté pour assurer un rendement constant.

[18] La LFSS prévoit que le montant M sera révisé par la LFSS pour 2026, à la hausse ou à la baisse, afin de garantir le respect de l’équilibre économique conforme à ces prévisions.

[19] Pour la clause de sauvegarde due au titre de 2026.

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