Par sa décision n° 2023-860 DC du 21 décembre 2023, le Conseil constitutionnel a statué sur la conformité à la Constitution des dispositions de la loi n°2023-1250 du 26 décembre 2023 de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2024. Publiée au Journal officiel le 27 décembre 2023, la loi est entrée en vigueur le 28 décembre 2023, sauf dispositions contraires.
En matière de produits de santé, la plupart des dispositions ne sont pas immédiatement applicables. On attend en effet de nombreuses mesures d’application qui font de l’entrée en vigueur de la LFSS un véritable casse-tête.
Afin de faciliter la mise en œuvre opérationnelle de la LFSS 2024 pour les entreprises, nous publions un échéancier d’application des principales mesures qui concernent les médicaments (voir également notre échéancier des mesures qui concernent les DM et les actes).
Vous retrouverez :
- Dans le tableau 1, les mesures relatives à l’accès au marché, à savoir :
- la suppression du régime dérogatoire des AMM pour les médicaments dérivés du sang (MDS)
- le report de la réforme du financement des produits de contraste
- les nouvelles restrictions à la prise en charge des médicaments à fort enjeu de santé publique ou financier à un formulaire
- le recueil de données des médicaments de thérapie innovante (MTI)
- les nouveautés sur les autorisations d’accès précoce (AAP) : spécificités pour les vaccins, renforcement des obligations relatives à l’approvisionnement du marché
- l’élargissement des critères d’octroi des autorisations d’accès compassionnel (AAC)
- la création d’une prise en charge temporaire et dérogatoire post-accès précoce
- la création d’un mécanisme d’autorisation d’utilisation temporaire et de prise en charge des médicaments à base de cannabis
- Dans le tableau 2, les mesures relatives au « regulatory », à savoir :
- la délivrance sans ordonnance de certains médicaments après la réalisation d’un test d’orientation diagnostique (TROD)
- la substitution des biosimilaires
- les mesures relatives aux ruptures d’approvisionnement : dispensation conditionnelle, extension des pouvoirs de l’ANSM, obligations de l’industriel en cas de suspension/cessation de commercialisation des médicaments d’intérêt thérapeutique majeur (MITM)
- Dans le tableau 3, les mesures relatives aux taxes pharmaceutiques, à savoir :
- les mesures relatives à la clause de sauvegarde (CS M) : montants M 2023 et 2024, réforme, plafonnement
- l’exclusion des MDS de l’assiette de la contribution sur le chiffre d’affaires
Tableau 1 : Les mesures relatives à l’accès au marché
Art. | Objet de la mesure | Application immédiate | Mesures d’application à venir |
Art. 29 | Suppression du régime dérogatoire de l’AMM des MDS | OUI[1] | / |
Art. 59 | Report au 1er mars 2024 de l’intégration des produits de contraste dans les forfaits techniques en imagerie médicale | OUI | / |
Art. 73 | Possibilité de subordonner la prise en charge des médicaments à fort enjeu (de santé publique ou financier) à un formulaire permettant de s’assurer de la pertinence des prescriptions | OUI | / |
Art. 75 | Dispositions relatives au recueil de données des MTI | Disposition déclarée contraire à la Constitution par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° n° 2023-860 DC du 21 décembre 2023 | N/A |
Art. 76 | Adaptation des critères d’octroi d’AAP pour les vaccins | OUI | / |
Art. 76 | AAP subordonnée à l’engagement d’approvisionnement approprié et continu du marché français | OUI | / |
Art. 76 | Possibilité de demander une AAC en cas de refus d’une AAP exclusivement motivé par l’absence de caractère présumé innovant | OUI | / |
Art. 76 | Majoration des remises annuelles d’AAP en cas de manquement à l’obligation d’approvisionnement | NON | Décret en Conseil d’Etat fixant le nombre de points de majoration |
Art. 76 | Mise en place d’une prise en charge temporaire et dérogatoire post-accès précoce (voir notre article sur le sujet) lorsque les données disponibles ne permettent pas l’inscription sur la liste « en sus » | NON | – Décret en Conseil d’Etat déterminant les conditions d’application – Décret fixant les niveaux de SMR et ASMR requis – Décret fixant la durée maximale (≤ 3 ans) – Arrêté fixant la décote appliquée à l’indemnité d’AAP |
Art. 78 | Définition des médicaments à base de cannabis | NON | Arrêté déterminant les spécifications des médicaments et les indications thérapeutiques ou situations cliniques pour lesquelles l’efficacité et le profil de sécurité sont présumés favorables |
Art. 78 | Création d’un mécanisme d’autorisation d’utilisation temporaire (5 ans renouvelable) pour les médicaments à base de cannabis | NON | – Décret en Conseil d’Etat déterminant la procédure d’octroi de l’autorisation – Décret en Conseil d’Etat déterminant (i) les conditions dans lesquelles l’ANSM peut retirer ces médicaments du marché et (ii) les modalités de continuité de traitement |
Art. 78 | Création d’un mécanisme de prise en charge des médicaments à base de cannabis | NON[2] | – Décret en Conseil d’Etat déterminant les règles de prise en charge |
Tableau 2 : Les mesures relatives au « regulatory » des médicaments
Art. | Objet de la mesure | Application immédiate | Mesures d’application à venir |
Art. 52 | Délivrance par les pharmaciens d’officine de certains médicaments sans ordonnance après réalisation d’un TROD | NON | – Décret en Conseil d’Etat fixant les conditions dans lesquelles les pharmaciens sont autorisés à prescrire – Arrêté fixant la liste des médicaments concernés, des indications, des TROD à réaliser et des résultats à obtenir – Arrêté fixant la tarification des prestations effectuées par les pharmaciens[3] |
Art. 54 | Substitution des biosimilaires automatiquement permise 2 ans après l’inscription du premier biosimilaire du groupe sur la liste « ville » | NON[4] | Arrêté autorisant le pharmacien à substituer, sauf avis contraire de l’ANSM |
Art. 72 | Définition de la rupture d’approvisionnement dans le CSP | NON | Décret en Conseil d’État déterminant le délai au-delà duquel la rupture est caractérisée et les diligences que le pharmacien doit accomplir |
Art. 72 | Possibilité d’imposer des ordonnances de dispensation conditionnelle ou la délivrance à l’unité en cas de rupture | OUI[5] | / |
Art. 72 | Interdiction de la prescription de médicaments en rupture par télésurveillance | Disposition déclarée contraire à la Constitution par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° n° 2023-860 DC du 21 décembre 2023 | N/A |
Art. 72 | Possibilité pour l’ANSM de prendre des mesures de police sanitaire[6] en cas de rupture ou risque de rupture de MITM ou d’un vaccin | OUI | / |
Art. 77 | Possibilité pour l’ANSM de compléter la liste des MITM | OUI[7] | / |
Art. 77 | En cas de suspension ou de cessation de commercialisation d’un MITM, si le besoin est insuffisamment couvert : – obligation pour le titulaire de l’AMM de rechercher un repreneur – en l’absence de repreneur, possibilité pour l’ANSM d’imposer la concession à titre gracieux de l’exploitation et de la fabrication[8] | NON | Décret en Conseil d’Etat déterminant les modalités d’application |
Tableau 3 : Les mesures relatives aux taxes pharmaceutiques
Art. | Objet de la mesure | Application immédiate | Mesures d’application à venir |
Art. 4 | Relèvement rétroactif du montant M 2023 à 24,9 milliards d’€ | OUI | / |
Art. 28 | Réforme de l’assiette de la CS M sur les montants remboursés par l’assurance maladie | NON[9] | Décret définissant les modalités de transmission à l’ACCOSS des éléments de calcul de la CS M par la CNAM, l’ATIH et Santé publique France |
Art. 28 | Intégration dans l’assiette de la CS M des médicaments bénéficiant de la prise en charge post accès précoce | OUI[10] | / |
Art. 28 | Taux de rendement de la CS M à 90% | NON[9] | / |
Art. 28 | Plafonnement individuel de la CS M à 12% des montants remboursés par l’assurance maladie | NON[9] | / |
Art. 28 | Fixation du montant M 2024 à 26,4 milliards d€ | OUI | / |
Art. 28 | Exclusion des médicaments indiqués dans le traitement de la COVID-19 acquis par Santé publique France de l’assiette de la CS M | NON | Arrêté fixant la liste des médicaments concernés |
Art. 28 | Prise en compte du CA HT net de remises pour le plafonnement individuel de la CS M 2024[11] | OUI | / |
Art. 28 | Plafonnement individuel de la CS M 2024 à 2% du CA HT réalisé au titre des spécialités génériques ou sous tarif forfaitaire de responsabilité (TFR)[12] | OUI | / |
Art. 29 | Suppression de l’exclusion des médicaments dérivés du sang de l’assiette de la contribution sur le chiffre d’affaires | OUI | / |
[1] Les demandes autorisation ou de renouvellement d’AMM en cours d’examen au 28 décembre 2023 (date d’entrée en vigueur de la loi) seront examinées dans le cadre de la procédure d’AMM de droit commun.
[2] A compter du 26 mars 2024 et jusqu’à ce qu’un médicament obtienne une autorisation temporaire et qu’il soit disponible, et au plus tard jusqu’au 31 décembre 2024, les modalités de prise en charge par l’assurance maladie des médicaments à base de cannabis sont fixées par arrêté ministériel.
[3] Dans l’attente de l’entrée en vigueur des nouvelles stipulations conventionnelles entre l’assurance maladie et les représentants des pharmaciens titulaires.
[4] Pour les biosimilaires inscrits sur la liste « ville » avant le 27 décembre 2023, l’avis de l’ANSM devra être rendu avant le 31 décembre 2024.
[5] Les médicaments concernés et les mesures imposées seront précisés par arrêté des ministres. Il sera également mis fin aux mesures par arrêté des ministres.
[6] Le non-respect de ces mesures sera passible de sanctions financières.
[7] La liste des MITM, telle que complétée par l’ANSM, sera publiée au plus tard le 31 décembre 2024.
[8] La concession est alors faite à un établissement pharmaceutique détenu par une personne morale de droit publique. Elle ne concerne que le marché français et s’étend sur une durée de 2 ans reconductible (sauf si l’ANSM y met fin avant).
[9] Application à compter du 1er janvier 2026 pour la CS M due au titre de l’année 2025.
[10] Néanmoins, des textes d’application sont nécessaires pour la mise en œuvre de la prise en charge dérogatoire post-accès précoce – voir art. 76.
[11] Il s’agit de la CS M due au titre de 2024.
[12] La LFSS prévoit que cette mesure ne peut avoir pour effet de diminuer le montant total de la contribution. Par conséquent, le montant dû au titre des spécialités autres que génériques ou sous TFR pourra être augmenté pour assurer un rendement constant.
Le cabinet GD Avocats conseille et accompagne les industriels dans le cadre de leur stratégie d’accès au marché et sur leurs enjeux réglementaires. Contactez-nous par e-mail : contact@gd-associes.com