Le Parlement européen vient d’adopter en première lecture le « paquet pharmaceutique », qui comprend une nouvelle directive et un nouveau règlement venant se substituer au mille-feuille normatif actuel[1]

Certaines mesures auront un impact considérable sur le remboursement des médicaments si elles sont maintenues en l’état. Ainsi, il est prévu que les titulaires d’AMM pourront être contraints à solliciter le remboursement dans tous les Etats membres et à négocier « de bonne foi » le prix de leur médicament. 

Précisons toutefois que le travail législatif se poursuivra dans les prochains mois et que les textes sont donc susceptibles d’évoluer.

Quelles seraient les obligations des laboratoires en matière de remboursement ? 

L’article 58 bis de la proposition de directive prévoit que tous les Etats membres dans lesquels une AMM est valable pourront demander au titulaire de cette autorisation de solliciter un remboursement

Le texte précise également que le prix devra être négocié « de bonne foi » et dans le respect des délais posés par la directive « transparence ». Pour mémoire, cette directive impose aux Etats membres de prendre une décision sur le remboursement et le prix dans les 180 jours suivant la demande de remboursement.   

Bien sûr, ces nouvelles dispositions n’empêcheront pas le titulaire d’AMM de mettre un médicament sur le marché d’un Etat membre ou de solliciter le remboursement alors qu’aucun Etat membre n’aurait fait de demande en ce sens. 

Dans quels délais les laboratoires devraient-ils solliciter le remboursement ?

L’article 58 bis de la proposition de directive prévoit que : 

  • dans l’année qui suit l’octroi de l’AMM : les Etats membres pourront demander au laboratoire de solliciter le remboursement, ou indiquer que leur demande sera effectuée à une date ultérieure ;  
  • dans l’année qui suit la demande de l’Etat membre : le laboratoire devra déposer un dossier de remboursement et une proposition de prix. Toutefois : 
    • le délai est porté à 2 ans pour (i) les PME, (ii) les entreprises qui, au moment de l’octroi de l’AMM, n’ont pas (elles-mêmes ou par leur groupe) reçu plus de cinq AMM centralisées et (iii) les entités à but non lucratif ; 
    • le délai (de 1 ou 2 ans) est prolongé de 6 mois sur notification motivée du titulaire de l’AMM ; 
    • l’Etat membre et le titulaire de l’AMM peuvent convenir d’un autre délai

Quelles sont les sanctions prévues ? 

L’article 206 de la proposition de directive prévoit que le non-respect de ces obligations donnera lieu à des sanctions financières « effectives, proportionnées et dissuasives ». Il appartiendra aux Etats membres d’en fixer le montant.   

Dans quels cas les laboratoires pourraient-ils échapper à ces obligations ?

Des obligations allégées pour les médicaments orphelins et les MTI 

L’article 58 bis de la proposition de directive prévoit que, pour les médicaments orphelins et les médicaments de thérapie innovante (MTI), les laboratoires pourront choisir de solliciter le remboursement uniquement dans les Etats membres dans lesquels la population de patients concernée a été identifiée

Des exceptions qui restent à définir 

Par ailleurs, la proposition de directive prévoit que certains médicaments pourront échapper totalement à ces obligations. Il est ainsi indiqué que  

  • la Commission européenne précisera les critères d’exemption (en fonction de la nature du médicament ou de son marché) et adoptera une liste des médicaments exemptés (au regard notamment des circonstances entourant les procédures réglementaires et de remboursement relatives à des médicaments particuliers ou à l’impraticabilité de l’administration d’un médicament dans la plupart des Etats membres) ; 
  • les Etats membres pourront par ailleurs décider, après avoir demandé à un laboratoire de solliciter le remboursement pour un médicament, d’exempter ce dernier des obligations exposées ci-dessus. 

Si l’objectif des instances européennes est louable, les contraintes et les risques que cette mesure ferait peser sur les industriels sont très lourds et impacteraient les stratégies d’accès au marché.

Par exemple, s’il est économiquement irréaliste de s’engager dans un processus de remboursement dans tous les Etats membres, les industriels devront-ils restreindre le périmètre de leur demande d’AMM ?

Par ailleurs, que recouvre concrètement l’obligation de négocier « de bonne foi » (dont le non-respect pourra être lourdement sanctionné) : suffira-t-il d’engager des négociations ? Le laboratoire risquera-t-il des sanctions financières en cas de retrait de sa demande de remboursement ?


[1] Plus précisément : 

  • la nouvelle directive devrait (i) abroger et remplacer la directive 2001/83/CE du 6 novembre 2001 instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain et la directive 2009/35/CE du 23 avril 2009 relative aux matières pouvant être ajoutées aux médicaments en vue de leur coloration et (ii) intégrer les parties pertinentes du règlement 1901/2006 du 12 décembre 2006 relatif aux médicaments à usage pédiatrique ; 
  • le nouveau règlement devrait abroger et remplacer le règlement 726/2004 établissant des procédures communautaires pour l’autorisation et la surveillance en ce qui concerne les médicaments à usage humain et à usage vétérinaire, le règlement 141/2000 du 16 décembre 1999 concernant les médicaments orphelins et les parties pertinentes du règlement 1901/2006 du 12 décembre 2006 relatif aux médicaments à usage pédiatrique. 
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