Le code de la sécurité sociale permet aux ministres de refuser la demande d’inscription au remboursement d’un produit de santé lorsqu’il est susceptible d’entraîner des « dépenses injustifiées » [1] pour l’assurance maladie[2].

Ces dernières années, les ministres ont fait application de ces dispositions pour refuser le remboursement de produits de santé alors que les négociations de prix avec le CEPS avaient seulement débuté voire n’avaient pas encore eu lieu. 

Saisi de recours contre ces décisions de refus de remboursement, le Conseil d’Etat a apporté d’intéressantes précisions sur le pouvoir des ministres et la notion de prix injustifié dans les affaires Össur France (décision du 8 avril 2024[3]) et Teva Santé (décision du 7 juillet 2022[4]). 

Le caractère « injustifié » du prix, qui peut conduire au refus de remboursement, s’apprécie au regard de la proposition initiale de l’industriel

Le Conseil d’Etat a précisé que, tant pour le médicament que pour le dispositif médical, le caractère  « injustifié » du prix s’apprécie au regard de la sollicitation initiale de l’industriel, et non du montant qui résulterait d’une négociation avec le CEPS. 

Il a donc validé les décisions de refus de remboursement des ministres motivées :

  • dans l’affaire Össur France, par le fait que le prix envisagé par l’industriel était 3 à 4 fois plus élevé que celui des comparateurs identifiés par la CNEDiMTS alors que le dispositif médical apportait une amélioration du service attendu mineure (ASA IV). Pourtant, un seul round de négociation avec le CEPS avait eu lieu, à l’issue duquel l’industriel avait diminué sa proposition de près de 20% ; 
  • dans l’affaire Teva Santé, par le fait que le prix proposé par l’industriel représentait une hausse de plus de 1.700% du coût du traitement journalier par rapport au prix du comparateur le plus onéreux parmi ceux retenus par la CT alors que le médicament n’apportait aucune amélioration du service médical rendu (ASMR V). Dans cette affaire, aucune négociation n’avait eu lieu sur le prix proposé par l’industriel. 

Qu’est-ce qu’un prix justifié ? 

Le Conseil d’Etat interprète la notion de prix justifié « notamment » au regard du prix des comparateurs pertinents inscrits au remboursement et en prenant en considération le niveau d’ASMR ou d’ASA du produit tarifé. 

Précisons que, pour les médicaments en particulier, le prix doit également être justifié au regard des autres critères légaux de fixation du prix (les volumes de vente prévus ou constatés, les conditions réelles et prévisibles d’utilisation et, le cas échéant, les résultats de l’analyse médico-économique)[5]

Pour limiter le risque de refus de remboursement, nous ne pouvons que recommander de justifier, dès le dossier de demande d’inscription, le prix revendiqué au regard des critères légaux de fixation du prix

Dans ce cadre, il conviendra notamment de s’interroger sur : 

  • la pertinence du comparateur (et les arguments qui pourraient éventuellement être développés pour évincer un produit de la liste des comparateurs) ; 
  • les éléments de nature à justifier une revendication plus élevée que le prix du comparateur. 

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[1] Ou, pour les médicaments, lorsque le prix proposé par l’industriel n’est pas justifié au regard des critères légaux posés par l’article R. 163-5 du code de la sécurité sociale. 

[2] Voir notamment, pour la liste « ville », l’article R. 163-5 du code de la sécurité sociale et, pour la LPPR, l’article R. 165-4 du même code.

[3] Conseil d’Etat, 8 avril 2024, Össur France, req. n° 477349

[4] Conseil d’Etat, 7 juillet 2022, Teva Santé, req. n° 45530

[5] L’article R. 163-5 du code de la sécurité sociale prévoit en effet que « ne peuvent être inscrits sur [la liste « ville »] les médicaments dont le prix proposé par l’entreprise ne serait pas justifié eu égard aux critères prévus aux I et au II de l’article L. 162-16-4 ». 

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