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Lois

Dépôt d’un nouveau projet de loi

Alors que l’examen par le Parlement du projet de loi prorogeant l’état d’urgence sanitaire n’était pas achevé, le Gouvernement a déposé, mercredi 6 mai, à l’Assemblée Nationale, un projet de loi « portant diverses dispositions pour faire face aux conséquences de l’épidémie de covid-19 » (n° 2907).

Comme pour les lois précédentes en la matière, le Gouvernement a demandé sur ce texte l’engagement de la procédure accélérée.

Le projet de loi, limité à quatre articles, est exclusivement constitué d’une série d’habilitations données au Gouvernement de légiférer par voie d’ordonnances dans tout un ensemble de domaines dont la plupart sont sans rapport direct avec le secteur de la santé. Deux dispositions font exception : l’une vise à permettre que des agents de la fonction publique territoriale ou de la fonction publique hospitalière puissent être mis gratuitement à la disposition des établissements de santé ; l’autre concerne les instances consultatives du personnel des ARS.

Le dernier article du projet vise à habiliter le Gouvernement à légiférer pour prévoir la fin de la période de transition dans les relations entre le Royaume-Uni et l’Union, notamment dans le secteur financier (banques et assurances) et à propos des personnes morales établies au Royaume-Uni ou de droit britannique exerçant une activité en France, ainsi que des personnes morales exerçant une activité en France et dont une partie du capital ou des droits de vote est détenue par des personnes établies au Royaume-Uni.

Rappelons que la période de transition prend fin au 31 décembre 2020, sauf si, par une décision qui doit alors intervenir avant le 1er juillet, le comité mixte institué entre les deux parties reporte cette date au 31 décembre 2021 ou au 31 décembre 2022.

Adoption du projet de loi prorogeant l’état d’urgence sanitaire

Après qu’un accord eut été trouvé en commission mixte paritaire (CMP) dans la matinée du samedi 9, le texte a été formellement adopté par chacune des deux chambres dans la soirée de samedi.

La loi votée s’écarte substantiellement de ce projet (pour l’analyse du projet de loi, voir notre veille du 4 mai 2020).

Les principales modifications apportées par le Parlement au projet qui lui était soumis sont les suivantes :

  • Conformément à la note du Conseil scientifique du 28 avril 2020 (qui ne se prononce toutefois pas sur la durée), l’état d’urgence sanitaire est prorogé, mais jusqu’au 10 juillet seulement (au lieu de 23 juillet dans le projet de loi gouvernemental) ;
  • Un article L 3136-2 est introduit dans le code de la santé publique (CSP) qui permet d’engager la responsabilité pénale d’une personne pour mise en péril de la vie d’autrui, notamment dans le cas des autorités locales et des employeurs, en cas de non-respect des mesures adoptées en application de l’état d’urgence sanitaire ;
  • L’ordonnance du 25 mars 2020 portant adaptation des règles de la procédure pénale est modifiée pour permettre d’assurer une meilleure garantie aux personnes dont la détention provisoire a été prolongée sur le fondement de cette ordonnance (c’est-à-dire par voie administrative et non pas judiciaire) ;
  • La compétence de l’autorité judiciaire est rétablie pour ordonner la prolongation de la détention provisoire à compter du 11 mai 2020 ;
  • Les garanties apportées aux personnes mises en quarantaine sont renforcées : le séjour dans la zone de circulation de l’infection doit être intervenu dans le mois précédent ; la mise en quarantaine a lieu au choix de la personne à son domicile ou dans un lieu d’hébergement adapté ; des dispositions particulières concernent les personnes victimes de violence ; en cas d’interdiction totale de sortie, la prolongation au-delà de 14 jours ne peut intervenir que sur avis médical et sur autorisation du juge des libertés et de la détention (JLD) et ne peut, en tout état de cause, excéder une durée totale de un mois ; le JLD peut être saisi à tout moment ; il peut également s’auto-saisir ou être saisi par le Procureur de la République ;
  • Des dispositions particulières applicables à l’année 2020 prévoient la prolongation de la période d’interdiction de suspension des contrats de fourniture d’énergie, ainsi que de la période de la trêve hivernale ;
  • La loi renforce l’encadrement du traitement des données à caractère personnel collectées dans le cadre de la lutte contre l’épidémie et renonce à l’habilitation donnée au Gouvernement par le projet de loi d’adopter par voie d’ordonnance le dispositif « StopCovid » : les données ne peuvent être conservées au-delà de trois mois ; elles sont limitées au statut virologique ou sérologique de la personne ; sauf habilitation législative, la collecte ne peut s’étendre au-delà de six mois après la fin de l’état d’urgence sanitaire ; les finalités du traitement sont nettement et limitativement énumérées ; elles excluent « le développement et le déploiement d’une application informatique à destination du public et disponible sur équipement mobile permettant d’informer les personnes du fait qu’elles ont été à proximité de personnes diagnostiquées positives au covid-19 » ; sauf accord de l’intéressée, les données concernant la personne infectée ne peuvent être transmises aux personnes avec qui elle a été en contact ; les décrets d’application de cet article doivent être pris sur avis conforme et public de la CNIL ; la collecte ne peut faire l’objet d’aucune rémunération liée au nombre de données collectées ; un comité de contrôle est institué dont la composition est fixée par décret, mais qui comprendra au moins quatre parlementaires ; il est chargé d’effectuer des audits réguliers ; le Parlement est tenu informé des mesures adoptées ;
  • Le droit d’accès aux informations collectées par des personnes non tenues au respect du secret médical est en revanche encore élargi par l’article 6, paragraphe III, de la loi ;
  • Enfin, la loi prévoit le zonage vert et rouge des départements et renvoie à des mesures d’application la question de l’accès aux plages et aux forêts.

Quelles peuvent-être les suites de cette rébellion parlementaire ? Souvenons-nous que « Si le peuple vote contre le gouvernement, il faut dissoudre le peuple » (B. Brecht).

La loi votée est donc maintenant en instance de promulgation par le Président de la République (ou de déferrement, peu probable, au Conseil constitutionnel).

Ordonnances

Trois nouvelles ordonnances relevant de l’article 38 de la Constitution datées du 7 mai 2020 sont publiées au Journal officiel du vendredi 8 mai :

On trouvera en annexe un tableau récapitulatif exhaustif et « quasi-consolidé » des ordonnances intervenues à ce jour

Décrets

Décret dérogeant à la règle de suspension des délais

Un nouveau (le cinquième) décret dérogeant, conformément à l’article 9 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020, à la règle de la suspension des délais édictée par cette ordonnance est intervenu. Le décret n° 2020-536 du 7 mai 2020 (Journal officiel du 8 mai 2020) déroge à la règle de suspension des délais dans deux domaines:  

  • Les installations de communications électroniques ;
  • Le contrôle et la fabrication des précurseurs de drogue.

Dans ces deux secteurs, les délais, suspendus par l’ordonnance du 25 mars 2020, reprennent cours à compter du 9 mai 2020.  

A noter que, dans son avis du 1er mai 2020 relatif au projet de loi portant prolongation de l’état d’urgence sanitaire (voir ci-dessus), le Conseil d’Etat a attiré l’attention du Gouvernement sur les conséquences de la prolongation de l’état d’urgence sanitaire sur les règles dérogatoires de suspension des délais telles que celles-ci sont posées par l’ordonnance du 25 mars 2020. La Haute Assemblée estime en effet que la persistance de ce régime dérogatoire pourrait dans certains cas n’être pas justifiée.

Décret de « toilettage »

Le Journal officiel du 11 mai ne comprend qu’un seul texte : le décret n° 2020-545 du 11 mai 2020 entré en vigueur le même jour.

Comme le décret n° 2020-273 du 23 mars 2020 modifié et complété à de nombreuses reprises, le décret du 11 mai 2020, adopté sur la base du nouvel article L 3131-15 du CSP, a pour objet de prescrire « les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire » dont beaucoup des mesures qu’il édicte venaient à échéance ce jour. Le décret du 11 mai 2020 abroge donc celui du 23 mars, qu’il remplace. Se composant de 28 articles, ce décret reprend l’architecture en huit chapitres qui était celle du décret qu’il remplace : mesures générales ; déplacements et transports ; rassemblements, réunions et activités ; établissements recevant du public et concours et examens ; contrôle des prix ; réquisitions ; mise à disposition des médicaments ; opérations funéraires.

En l’absence de toute indication sur ce point dans le décret lui-même, les prescriptions qu’il édicte devraient s’appliquer jusqu’au 10 juillet 2020, nouvelle date d’expiration de l’état d’urgence sanitaire (voir ci-dessus).

Comme pour le décret du 23 mars, l’arrêté ministériel qui avait été adopté le même jour doit faire l’objet d’un « toilettage » complet. Nous publierons un échéancier révisé des mesures applicables, destiné à se substituer à l’échéancier précédemment communiqué et obsolète, après publication de l’arrêté se substituant à celui du 23 mars.

Arrêtés

Quatre arrêtés sont publiés au Journal officiel du 8 mai 2020 avec des objets divers.

Deux arrêtés des ministres des affaires sociales et de la santé et des comptes publics du 4 mai 2020 (textes n° 9 et 10) sont relatifs au financement pour l’année 2020 des soins de suite et de réadaptation des établissements hospitaliers.

L’arrêté interministériel du 7 mai 2020 (texte n° 25) complète l’annexe IV au code général des impôts pour fixer les caractéristiques auxquelles doivent satisfaire les masques et produits d’hygiène corporelle pour être éligibles au taux réduit de TVA prévu à l’article 278-0-bis du code dans sa rédaction résultant des articles 5 et 6 de la loi n° 2020-473 du 25 avril 2020 de finances rectificative pour l’année 2020 (LFR II) (voir notre article du 29 avril 2020 sur les mesures antérieures au 1er mai).

Sous réserve de l’accord de la Commission européenne à qui le dispositif mis en place a été notifié le 3 mai 2020 sous le numéro 2020/286/F, le texte s’applique aux livraisons et aux acquisitions intracommunautaires de biens éligibles réalisées à compter du 24 mars 2020 pour les masques et à compter du 1er mars 2020 s’agissant des produits d’hygiène corporelle. Il s’applique également aux importations de masques et de produits d’hygiène corporelle réalisées à compter du 9 mai 2020.

Ce dispositif dérogatoire s’applique jusqu’au 31 décembre 2021. 

Enfin, l’arrêté interministériel du 7 mai 2020 (texte n° 38) modifie l’arrêté du 21 décembre 2009 relatif aux règles sanitaires applicables aux activités de commerce de détail, d’entreposage et de transport de produits sanitaires d’origine animale et de denrées alimentaires en contenant.

L’arrêté introduit dans la restauration collective la notion d’excédent de restauration afin de faciliter sa distribution aux associations caritatives ; il fixe également des règles applicables à la date limite de consommation et des règles d’étiquetage des excédents de préparations élaborées à l’avance.

Haute autorité de santé

Partant du constat que la crise sanitaire a fragilisé dans les pratiques professionnelles l’équilibre nécessaire entre la protection de la personne et son autonomie, la HAS a mis en ligne, samedi 9 mai, une contribution pour partager des expériences de terrain et éclairer les professionnels. La contribution s’articule autour de trois axes : la prise en compte de la parole de la personne ; la coconstruction des projets et décisions ; le maintien des liens sociaux. Un tableau répertorie des expériences de terrain destinées à éclairer les professionnels

Par ailleurs, la HAS a mis en ligne le 2 mai les premières indications pour les tests sérologiques du Covid-19, ainsi qu’une actualisation de son guide relatif aux rencontres précoces.  

URSSAF

L’URSSAF a mis en ligne jeudi 7 mai un nouveau message, accessible dans la rubrique « Contributions pharmaceutiques », faisant état de l’ouverture de la campagne déclarative pour la contribution M (ONDAM/Clause de sauvegarde) et faisant état d’un nouveau report de la date limite de déclaration fixée en définitive au 11 juin inclus.

Europe

Commission européenne

Le Journal officiel de l’Union du 8 mai publie des recommandations de la Commission en matière de libre circulation des professionnels de santé et d’harmonisation des formations (JOUE, 8 mai 2020, C 156, page 1).

EMA

Dans une communication mise en ligne le 8 mai, l’EMA fait le point sur les mesures prises par les Etats membres pour assurer la disponibilité des produits.


Liste des ordonnances adoptées sur le fondement de l’article 11 de la loi d’urgence du 23 mars 2020

DATE N°OBJETMODIFICATIONS
25.03303Règles de procédure pénaleArticle 18 modifié par Article 4 Ordonnance 341
25.03304Juridictions non pénalesRectificatif, JO du 28, Titre II modifié par Article 1er Ordonnance 460, Article 23 modifié par Article 1er Ordonnance 460
25.03305Juridictions administrativesArticles 1er, 7, 13, 16 et 17 modifiés par Article 1er Ordonnance 405, Articles 15 et 16 modifiés par Article 9 Ordonnance 427
25.03306Prorogation des délaisRectificatif, JO du 28, Article 1er modifié par Article 1er Ordonnance 427, Article 2 modifié par Article 2 Ordonnance 427, Article 3 modifié par Article 3 Ordonnance 427, Article 4 modifié par Article 4 Ordonnance 427, Article 7 modifié par Article 5 Ordonnance 427, Article 8 modifié par Article 6 Ordonnance 427, Article 9 modifié par Articles 8 Ordonnance 347 et 7 Ordonnance 427, Article 11bis ajouté par Article 8 Ordonnance 428, Articles 12bis à 12 quinquies ajoutés par Article 8 Ordonnance 427, Article 12ter modifié par Article 23 Ordonnance 460, Article 14 modifié par Article 10 Ordonnance 427, Article 15 modifié par Article 9 Ordonnance 427, Article 16 modifié par Article 9 Ordonnance 427
25.03307Prorogation mandat des conseillers consulairesArticle 1er modifié par Article 25 Ordonnance 460
25.03309Garantie de financement des établissements de santé 
25.03310Assistants maternels 
25.03311ONIAM 
25.03312Prorogation de droits sociauxArticle 2 modifié par Article 4 Ordonnance 428, Article 2bis ajouté par Article 4 Ordonnance 428, Article 4 modifié par Article 4 Ordonnance 428
25.03313Établissements sociaux et médico-sociauxArticle 1er modifié par Article 5 Ordonnance 428
25.03315Voyages touristiques 
25.03316Loyers des locaux professionnels 
25.03317Fonds de solidaritéArticle 3-1 ajouté par article 18 Ordonnance 460, Article 4 modifié par Article 18 Ordonnance 460
25.03318Arrêté des comptes 
25.03319Marchés publicsArticle 6 modifié par Article 20 Ordonnance 460, Article 6-1 ajouté par Article 20 Ordonnance 460
25.03320Installations de communications électroniques 
25.03321Délibérations des organes de direction des personnes moralesArticle 6-1 ajouté par Article 3 Ordonnance 460
25.03322Indemnité compensatrice, intéressement, participationArticle 1er modifié par Article 9 Ordonnance 428
25.03323Congés payés, durée du travail, jours de reposArticles 5, 6 et 7 Modifiés par Article 7 de l’Ordonnance 389
25.03324Revenus de remplacement 
25.03326Responsabilité des comptables publics 
25.03328Titres de séjourArticle 1er modifié par Article 24 Ordonnance 460, Article 1bis ajouté par Article 24 Ordonnance 460
25.03329Conseils d’administration de la MSA 
25.03330Continuité budgétaire des CL 
25.03331Trêve hivernaleArticle 2 modifié par Article 1er Ordonnance 464
27.03341Difficultés de trésorerie 
27.03346Temps partielArticle 1bis ajouté par Article 7 Ordonnance 460, Article 2 modifié par Article 6 Ordonnance 460, Articles 4 et 8 modifiés par Article 6 Ordonnance 428, Article 6 modifié par Article 8 Ordonnance 460, Article 7 modifié par Article 4 Ordonnance 460, Articles 8bis, 8 ter et 10bis ajoutés par Article 6 Ordonnance 428, Article 10 ter ajouté par Article 8 Ordonnance 460, Article 11 modifié par Article 5 Ordonnance 460, Articles 11 et 12 modifiés par Article 6 Ordonnance 428
27.03347Instances collégiales 
27.03351Examens et concours 
27.03353Droits d’auteur et droits voisins 
01.04385Prime de pouvoir d’achat 
01.04386Santé au travail et temps partiel 
01.04387Formation professionnelleArticle 3 modifié par Article 7 Ordonnance 428
01.04388Audience syndicale, conseillers prudhomaux, commissions paritaires 
01.04389Instances représentatives du personnelInapplicabilité partielle de l’article 2 de l’Ordonnance 306
01.04390Elections municipalesArticles 2 et 5 modifiés par Article 1er Ordonnance 462
01.04391Collectivités localesArticle 11 modifié par Article 5 Ordonnance 413
08.04405Juridictions administratives 
08.04413Fonctions exécutives 
15.04427Délais 
15.04428Dispositions sociales 
15.04430Congés dans la fonction publique 
22.04460Diverses mesures 
22.04462Elections municipales en Polynésie et Nouvelle-Calédonie 
22.04463EDUS en Nouvelle-Calédonie, Polynésie et Wallis et Futuna 
22.04464Trêve hivernale à Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon 
02.05505Aide aux acteurs de santé conventionnés
02.05507Consultation et information du comité social et économique
07.05534Secteur bancaire
07.05538Secteur de la culture et du sport
07.05539Aménagement et construction
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