Conseil constitutionnel

Contrairement à ce que nous laissions entendre hier, le Conseil constitutionnel a été saisi de la loi « prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions » par le Président de la République, le Président du Sénat et les groupes parlementaires LR (Sénat) et socialiste (Assemblée nationale) : le COVID-19 est devenu un enjeu de société majeur au titre des libertés individuelles et publiques.

Par sa décision n° 2020-800 DC du 11 mai 2020 (Journal officiel du 12 mai 2020), le Conseil constitutionnel a statué sur bon nombre des dispositions de la loi votée largement issues d’amendements parlementaires et dont nous avons présenté le détail dans notre veille du 11 mai 2020.

Les Sages ont ainsi déclaré conformes à la Constitution :

  • Le nouvel article L 3136-2 introduit dans le code de la santé publique (CSP) qui permet d’engager la responsabilité pénale d’une personne pour mise en péril de la vie d’autrui, notamment dans le cas des autorités locales et des employeurs, en cas de non-respect des mesures adoptées au titre de l’état d’urgence sanitaire ;
  • Sous réserve d’une information systématique de l’autorité judiciaire, le dispositif de mise en quarantaine ou à l’isolement réputé réaliser un bon équilibre entre la protection de la santé publique et l’atteinte à la liberté individuelle : séjour dans la zone de circulation de l’infection intervenu dans le mois précédent ; mise en quarantaine au choix de la personne à son domicile ou dans un lieu d’hébergement adapté ; dispositions particulières concernent les personnes victimes de violence ; en cas d’interdiction totale de sortie, prolongation au-delà de 14 jours sur avis médical et sur autorisation du juge des libertés et de la détention (JLD) et sans pouvoir en tout état de cause, excéder une durée totale de un mois ; possibilité de saisir le JLD à tout moment ; possibilité pour celui-ci de s’autosaisir et d’être saisi par le Procureur de la République ;
  • Sous la réserve de plusieurs interprétations, l’article 11 de la loi qui renforce l’encadrement du traitement des données à caractère personnel collectées dans le cadre de la lutte contre l’épidémie : les données ne peuvent être conservées au-delà de trois mois ; elles sont limitées au statut virologique ou sérologique de la personne ; sauf habilitation législative, la collecte ne peut s’étendre au-delà de six mois après la fin de l’état d’urgence sanitaire ; les finalités du traitement sont nettement et limitativement énumérées ; elles excluent « le développement et le déploiement d’une application informatique à destination du public et disponible sur équipement mobile permettant d’informer les personnes du fait qu’elles ont été à proximité de personnes diagnostiquées positives au covid-19 » ; sauf accord de l’intéressée, les données concernant la personne infectée ne peuvent être transmises aux personnes avec qui elle a été en contact ; les décrets d’application de cet article doivent être pris sur avis public de la CNIL ; la collecte ne peut faire l’objet d’aucune rémunération liée au nombre de données collectées ; un comité de contrôle est institué dont la composition est fixée par décret, mais qui comprendra au moins quatre parlementaires ; il est chargé d’effectuer des audits réguliers.

Par ailleurs, le Conseil constitutionnel a déclaré conformes à la Constitution les modifications apportées aux 1°, 5° et 7° de l’article L 3131-15 du CSP par le projet initial et qui font désormais l’objet des 2° et 4° de l’article 3 de la loi, ainsi que les modifications apportées à l’article L 3136-1 du CSP, reprises à l’article 9 de la loi, pour permettre à certains préposés des sociétés de transport publics, ainsi qu’aux agents des DIRECCTE, de constater les infractions à la législation sur l’état d’urgence sanitaire

Ont été déclarées partiellement contraires :

  • à la séparation des pouvoirs, les dispositions de la loi votée en matière d’information du Parlement ;
  • le droit d’accès aux informations collectées par des personnes non tenues au respect du secret médical prévu à l’article 11 de la loi ;
  • les dispositions de l’article final de la loi qui, par un jeu complexe des dispositions relatives à l’entrée en vigueur d’une partie de celle-ci,  laissaient subsister, jusqu’au 1er juin au plus tard, le dispositif antérieur de mise en quarantaine ou en isolement, considéré comme insuffisamment protecteur.

Lois

La loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions est publiée au Journal officiel du 12 mai et entre en vigueur le même jour.

Les principales dispositions du projet de loi initial ont été analysées dans notre veille du 4 mai 2020 ; les principaux apports des débats parlementaires ont été analysés dans notre veille du 11 mai 2020.

Décrets

Le décret n° 2020-548 du 11 mai 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire est publié au Journal officiel du 12 mai 2020. Ce décret abroge le décret n° 2020-545 du 11 mai 2020 analysé dans notre veille du 11 mai 2020.

Alors que le décret abrogé et le décret du 23 mars 2020 s’organisaient en huit chapitres, le décret n° 2020-548 qui comprend 29 articles s’organise en neuf chapitres, après ajout d’un chapitre sur les « dispositions diverses » : mesures générales ; déplacements et transports ; rassemblements, réunions et activités ; établissements recevant du public, établissements d’accueil des enfants, établissements scolaires et universitaires, concours et examens ; contrôle des prix ; réquisitions ; mise à disposition des médicaments ; opérations funéraires ; dispositions diverses.

Arrêté

L’arrêté du ministre des affaires sociales et de la santé du 11 mai 2020 (journal officiel du 12 mai), entré en vigueur ce jour, procède à un « toilettage » de l’arrêté du 23 mars 2020 et supprime toutes les références de celui-ci à l’échéance du 11 mai 2020.

Compte tenu de l’adoption de la loi de prolongation de l’état d’urgence sanitaire, nous vous renvoyons au nouvel échéancier des mesures prescrites, que celles-ci figurent dans le décret du 11 mai 2020 ou dans l’arrêté ministériel du 23 mars 2020 modifié et complété.

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