On se souvient que la Commission européenne a publié le 8 avril une communication sur un cadre temporaire pour l’appréciation des pratiques anticoncurrentielles dans les coopérations mises en place entre des entreprises pour réagir aux situations d’urgence découlant de la pandémie actuelle de COVID-19 (voir notre article Covid-19 et respect des règles de concurrence et notre présentation au Cercle Montesquieu).
La Commission indiquait notamment dans cette communication qu’elle était disponible pour fournir aux opérateurs l’assistance, voire les assurances (« lettre de confort »)[1], nécessaires, afin de mieux les inciter à développer des pratiques coopératives propres à améliorer la disponibilité des produits.
Ce même jour, la Commission avait indiqué avoir accordé une lettre de confort à « Medicines for Europe », anciennement l’ « Association européenne des médicaments génériques » pour un projet de coopération volontaire entre producteurs pharmaceutiques ciblant le risque de pénurie de médicaments hospitaliers critiques pour le traitement des patients atteints par le coronavirus. Le projet avait été soumis deux jours plus tôt à la Commission, dont on appréciera donc la réactivité !
Cette lettre de confort a été rendue publique le 28 avril 2020. Quels enseignements en tirer ?
Objet de la coopération
Le projet notifié à la Commission consiste en une coopération de fabricants de médicaments utilisés dans le traitement du Covid-19 (sédatifs profonds, bloqueurs neuromusculaires, analgésiques puissants, vasopresseurs, antibiotiques et adjuvants) afin :
- d’identifier les capacités de production et les stocks de chacun ;
- d’adapter ou de réallouer ceux-ci en fonction de la demande projetée ou réelle, de la production et des stocks ;
- éventuellement, de traiter également la distribution des médicaments utilisés pour le traitement du Covid-19.
Concrètement, cela peut inclure :
- la fourniture croisée de principes pharmaceutiques actifs ;
- l’identification conjointe des sites de production qui devraient être réorientés vers d’autres médicaments ou dont les capacités devraient être augmentées, de sorte que toutes les entreprises ne se concentrent pas sur un ou sur quelques médicaments, tandis que d’autres seraient en sous-activité ;
- le rééquilibrage et l’adaptation des capacités d’utilisation, de production et de fourniture (incluant éventuellement la distribution) lorsque les médicaments sont fournis en quantité trop importante ou trop faible.
L’analyse de la Commission
La Commission considère que cette coopération n’est pas problématique au regard de l’article 101 du TFUE qui prohibe les ententes car :
- d’une part, la coopération a pour objectif d’augmenter rapidement et efficacement la fourniture et la production des médicaments indispensables pour traiter le Covid-19 et elle est nécessaire pour atteindre cet objectif (critère de nécessité) ;
- d’autre part, Medicines for Europe a accepté de mettre en place certaines garanties propres à assurer que la coopération ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif poursuivi (critère de proportionnalité).
Les garanties que Medicines for Europe s’est engagé à mettre en place sont les suivantes :
- la coopération sera ouverte à tout fabricant pharmaceutique désireux d’y participer ;
- un procès-verbal de toutes les réunions sera établi et conservé, et les accords conclus dans le cadre de cette coopération seront communiqués à la Commission ;
- l’échange d’informations confidentielles entre les fabricants sera limité à ce qui est indispensable pour atteindre les objectifs poursuivis. A cet égard, la Commission mettra à la disposition des entreprises un forum contrôlé pour l’échange d’informations sensibles. Il est également précisé que les informations ne seront pas échangées directement entre les entreprises mais par l’intermédiaire d’un tiers indépendant ou de Medicines for Europe ;
- la coopération est limitée dans le temps jusqu’à ce que le risque de pénurie, y compris en cas de deuxième vague d’épidémie de Covid-19, soit surmonté.
[1] Rappelons que, depuis l’entrée en vigueur du règlement 1/2003, la Commission ne délivre plus de lettres de confort aux entreprises sur le fondement de l’article 101 du TFUE. Les entreprises sont donc chargées d’évaluer elles-mêmes la légalité de leurs accords et pratiques.