L’article 39 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 introduit un mécanisme de certification des prestataires de services et distributeurs de matériel (PSDM). S’inspirant d’un dispositif déjà mis en œuvre depuis quelques années dans d’autres domaines (établissements, dispositifs médicaux…), le mécanisme institué consiste à subordonner l’exercice de la profession au respect d’un référentiel normatif élaboré par la HAS. Verra-t-on bientôt la HAS concurrencer sa voisine qui n’est autre que l’AFNOR ?
Cette certification devient un enjeu majeur, voire la clef de voûte pour les PSDM puisque non seulement elle conditionne l’exercice de l’activité professionnelle, mais encore elle devient une condition d’accès au conventionnement par l’assurance maladie. De ce fait, certification et conventionnement du prestataire conditionnent la prise en charge par l’assurance maladie des produits et prestations délivrés par le prestataire de service et le distributeur de matériels. En effet, la prise en charge des dispositifs et des prestations est subordonnée à l’adhésion du prestataire à l’accord national et à son conventionnement par les organismes d’assurance maladie.
Louable ou non pour la patientèle, la stratégie de la certification généralisée consiste, pour l’État, à se défausser de ses attributions régaliennes de police du marché au profit d’organismes privés dépourvus de toute légitimité, placés dans la même position de souveraineté que l’était hier le fermier-général après avoir acheté son office.
Outre que l’on peut donc s’interroger sur la répartition des rôles dans la surveillance du marché, les « organismes notifiés » à la française exerçant ainsi des attributions qui devraient être confiées à l’ANSM, on peut également se poser la question de la conformité de cette mesure au droit européen. Alors que le Conseil d’État a annulé un mécanisme de même nature mis en place pour les logiciels d’aide à la prescription pour atteinte à la libre circulation des marchandises[1], alors que la même instance a annulé pour atteinte à la libre prestation de service l’arrêté de 1962 qui réserve aux médecins l’épilation au laser[2], voilà pourtant que la France s’apprête à adopter un dispositif juridique qui entrave manifestement, dans les régions frontalières notamment, les prestations de soins. Après le fermier-général, voici donc revenir Louis Le Quatorzième : oui à l’Europe, pourvu que l’on n’y parle que le français !
Même cause, mêmes effets pour cette nouvelle certification ? Une réponse affirmative est à craindre.
[1] Conseil d’Etat, 12 juillet 2018 ; SNITEM, req. 387156.
[2] Conseil d’Etat, 8 novembre 2019, M. B., req. 424954.