L’article 36 du PLFSS propose d’introduire un nouveau mode de prise en charge dérogatoire pour les médicaments : l’accès direct. Ce régime expérimental permettra la prise en charge de certains médicaments dès l’avis de la HAS, sans attendre la fixation du prix. Il débutera à une date fixée par décret (au plus tard le 30 juin 2022) et coexistera avec les autres modes de prise en charge dérogatoire pour les médicaments, refondus par la LFSS pour 2021 (l’accès précoce et l’accès compassionnel).
Après avoir été substantiellement modifié par l’Assemblée nationale, l’article 36 du PLFSS vient d’être amendé par le Sénat. S’il pourrait encore faire l’objet de quelques modifications au cours du nouvel examen qu’en fera l’Assemblée nationale dans les jours qui viennent, celles-ci devraient rester mineures. On peut donc d’ores et déjà brosser le portrait de l’accès direct.
L’accès direct : pour qui ?
L’accès direct est réservé aux médicaments dont le niveau de SMR et le niveau d’ASMR seront supérieurs à un seuil défini par décret. Sur ce point, le Gouvernement a indiqué que l’accès direct devrait concerner les médicaments avec un SMR majeur ou important et une ASMR au moins mineure (ASMR de I à IV).
En revanche, contrairement à l’accès précoce, l’accès direct n’est réservé :
- ni aux maladies graves, rares et invalidantes ;
- ni aux situations d’absence d’alternative thérapeutique ;
- ni aux médicaments présumés innovants.
L’accès direct a donc un champ d’application beaucoup plus large que l’accès précoce.
L’Assemblée nationale et le Sénat ont adopté un certain nombre d’amendements visant à éviter un déport des médicaments éligibles à l’accès précoce sur l’accès direct. Un tel scénario retarderait l’accès des patients à l’innovation puisque l’accès précoce permet une prise en charge jusqu’à trois ans avant l’AMM alors que l’accès direct n’intervient qu’à compter de l’avis de la HAS.
L’Assemblée nationale a ainsi ajouté une condition supplémentaire pour bénéficier de l’accès direct : une demande d’accès précoce doit avoir été déposée sur l’indication considérée et rejetée par la HAS.
Cette modification imposait aux exploitants de déposer une demande d’accès précoce…même si le médicament n’en remplissait pas les critères (par exemple, parce qu’il existe des alternatives thérapeutiques). On peut remercier le Sénat qui a voté un amendement précisant que le dépôt d’une demande d’accès précoce n’est requis que lorsque le médicament correspond aux critères d’éligibilité de l’accès précoce.
Accès direct, accès précoce : mêmes modalités de prise en charge ?
L’article 36 du PLFSS a été modifié à l’initiative du Gouvernement afin d’aligner le régime expérimental d’accès direct sur le modèle de l’accès précoce.
Dans un cas comme dans l’autre, il est donc prévu :
- qu’une indemnité soit « librement » fixée par le laboratoire ;
- que le laboratoire soit redevable de remises :
- « de débouclage » si le prix qui sera in fine fixé par le CEPS est inférieur à l’indemnité fixée par le laboratoire. A cet égard, l’Assemblée nationale a précisé qu’à défaut d’accord conventionnel entre l’exploitant et le CEPS dans les 10 mois après l’ouverture de l’accès direct, le prix sera fixé par décision du CEPS, et ce avant la fin de l’accès direct ;
- annuelles : le taux des remises est alors fixé en fonction d’un barème progressif par tranche de chiffre d’affaires. S’il faudra attendre la publication d’un arrêté ministériel pour connaître les taux de remises, le Gouvernement a déjà indiqué qu’ils seraient supérieurs à ceux qui ont été fixés pour l’accès précoce.
Les lourdes obligations de continuité des traitements
L’accès direct s’accompagne d’obligations mises à la charge de l’industriel.
La plus lourde – qui est à paramétrer avant de solliciter un accès direct – concerne la période de continuité des traitements. Comme pour l’accès précoce, l’article 36 du PLFSS prévoit que les industriels ont l’obligation de permettre d’assurer la continuité des traitements initiés pendant la durée de l’accès direct et une durée minimale d’un an à compter de l’arrêt de ce dispositif.
On distingue alors deux hypothèses :
- si le médicament est inscrit sur la liste « ville » et/ou sur la liste « hôpital », les conditions de prise en charge au titre de l’inscription sur ces listes s’appliquent ;
- en revanche, si le médicament n’est inscrit ni sur la liste « ville », ni sur la liste « hôpital », il doit être fourni sans prise en charge de l’Assurance maladie. Si l’industriel n’a pas l’obligation de céder gratuitement son médicament, le prix est toutefois plafonné au niveau fixé par le CEPS.
La méconnaissance de cette obligation est très sévèrement sanctionnée: les ministres peuvent imposer une pénalité allant jusqu’à 30 % du chiffre d’affaires hors taxes réalisé en France par l’entreprise au titre du médicament concerné au cours des deux dernières années.
Enfin, l’article 36 du PLFSS prévoit que, pendant la durée de l’accès direct, aucune autre indication que celle qui fait l’objet de l’accès direct ne peut être inscrite sur la liste « ville » ou sur la liste « hôpital ». L’accès direct pourrait donc avoir l’effet pervers de retarder la prise en charge des autres indications d’un médicament.
En conclusion, si ce dispositif ouvre incontestablement de nouvelles opportunités pour les patients comme pour les industriels, il fait toutefois peser sur ces derniers des contraintes qui doivent être évaluées en amont.