Après des mois de travail et plus de 170 auditions, la mission interministérielle Borne a présenté hier ses conclusions aux ministres de la santé et de la prévention, de l’industrie et des comptes publics.
Pour mémoire, la mission Borne a été lancée le 25 janvier 2023 à l’initiative de la Première ministre dans le but de formuler des propositions au Gouvernement concernant la régulation et le financement des produits de santé (médicaments et dispositifs médicaux)[1].
Son rapport de 170 pages se divise en trois parties : un diagnostic sur les difficultés que pose le système de régulation actuel, les 12 convictions de la mission pour construire un « New Deal » et enfin une soixantaine de propositions.
Nombre d’entre elles concernent la tarification des produits de santé. Certaines – développées ci-dessous – visent à systématiser la prise en compte de facteurs liés à l’environnement (mesure D.2), ou encore à la qualité de vie et à l’impact organisationnel (mesure E.6). D’autres – sur lesquelles nous reviendrons dans les prochains jours – visent à adapter les modalités conventionnelles (auxquelles le CEPS a recours pour la fixation du prix des produits de santé) aux enjeux actuels et à lutter contre les pénuries.
La prise en compte de critères environnementaux
Dans la continuité du rapport 2023 du think tank The Shift Project, qui a mis en lumière que le poids des produits de santé et de leur industrie dans les émissions de gaz à effet de serre[2], la mission Borne recommande de « développer l’utilisation de critères environnement dans la fixation des prix des produits de santé ».
Plus précisément, il est proposé de confier au CEPS une enveloppe de « Crédits Green », qui constituerait une « poche » de Crédits CSIS[3]. Les grilles à élaborer avec l’ensemble des parties prenantes devraient notamment intégrer des considérations liées à l’emballage et à la logistique.
Sur le volet environnemental, la mission Borne recommande également :
- dans les marchés hospitaliers publics et privés, d’amplifier les exigences relatives aux critères RSE et notamment environnement ;
- de façon générale, d’utiliser les réglementations et labélisations déjà existantes (et notamment les directives européennes) pour encourager la transparence et la responsabilité environnementale des entreprises, plutôt que d’en créer de nouvelles.
Une meilleure considération de la qualité de vie et des impacts organisationnels
La mission Borne relève que, malgré les positions encourageantes prises par la HAS ces dernières années, l’amélioration de la qualité de vie des patients et l’impact organisationnel ne sont pas ou peu pris en compte dans l’évaluation clinique des produits de santé par la Commission de la transparence (CT) et la Commission Nationale d’Évaluation des Dispositifs Médicaux et des Technologies de Santé (CNEDiMTS). Par effet domino, ces facteurs ne sont pas non plus pris en considération par le CEPS dans les négociations de prix.
Pour systématiser la prise en compte de ces facteurs, la mission Borne recommande notamment :
- pour les médicaments : de faire de l’impact organisationnel l’un des critères de l’ASMR, à l’image de ce que pratique la CNEDiMTS pour les dispositifs médicaux ;
- pour les dispositifs médicaux, et particulièrement les dispositifs médicaux numériques :
- de modifier les critères du SA et de l’ASA pour faire une véritable place à l’innovation organisationnelle, centrée sur la qualité de vie du patient et/ou du soignant ;
- de mettre en place un recueil post inscription de données de qualité de vie.
Afin d’avancer dans la concertation sur ces sujets, la mission Borne propose la constitution d’un groupe de travail avec les administrations concernées, les industriels (LEEM, SNITEM) et les représentants des patients, qui rendrait ses conclusions au plus tard le 1er février 2024.
Plus de soixante autres mesures sont décrites dans le rapport remis aux ministres, dont une attention particulière portée à la clause de sauvegarde et à la détermination du montant M. Les ministres ont assuré que les propositions formulées par la mission Borne ont d’ores et déjà commencé à servir de base à la préparation du PLFSS pour 2024 qui sera dévoilé dans les prochaines semaines. A suivre donc… !
[1] Elle est composée de six experts, issus de l’industrie pharmaceutique, cabinet de conseil, association de patients et autorités publiques.
[2] Ce poids est estimé à plus de 8,1% selon le rapport « Décarboner la santé pour soigner durablement » d’avril 2023.
[3] Cette « poche » serait financée par les crédits PIA/France 2030 dédiés à l’Industrie verte » (~5 % des 4Md€ annoncés, soit 200 M€).