Le principe d’égalité impose en principe à l’administration de régler de façon identique des situations identiques[1].

Dans un arrêt du 6 avril 2022, le Conseil d’Etat a apporté d’intéressantes précisions sur l’application de ce principe entre spécialités pharmaceutiques[2]

Était en cause l’application par l’ANSM de la règlementation des substances vénéneuses. Pour mémoire, celle-ci prévoit que : 

  • en principe, les médicaments classés comme substances vénéneuses ou comportant de telles substances ne peuvent être délivrés que sur prescription médicale ; 
  • par exception, l’ANSM peut exonérer de ce régime les médicaments qui renferment des substances classées à des doses ou concentrations très faibles ou qui sont utilisés pendant une durée de traitement très brève (article R. 5132-2 du code de la santé publique). 

Un laboratoire pharmaceutique exploitant un médicament inscrit sur la liste II (prescription obligatoire) avait demandé à l’ANSM que son médicament puisse – comme ses concurrents – être délivré sans ordonnance. L’ ANSM avait rejeté sa demande, en considérant que les contre-indications et la toxicité du médicament faisaient obstacle à une remise en cause du classement en liste II. 

C’est dans ce contexte que le laboratoire a formé un recours devant le Conseil d’Etat contre la décision de refus de l’ANSM, en invoquant notamment la violation du principe d’égalité.

La question posée au Conseil d’Etat était donc la suivante : quand peut-on utilement invoquer le principe d’égalité entre médicaments ? 

Voici, en synthèse, l’état des similitudes et des différences entre les deux spécialités comparées par le Conseil d’Etat : 

Le Conseil d’Etat a considéré que les spécialités examinées sont étroitement comparables compte tenu de leurs effets, de leur mode d’action et de leur place dans la stratégie thérapeutique et qu’elles présentent le même profil de risques. Il en a conclu que l’ANSM avait méconnu le principe d’égalité et a donc annulé la décision refusant le bénéfice de l’exonération de la règlementation des substances vénéneuses. 

Quelles sont les conséquences de cet arrêt pour les industriels ?

D’abord, pour les industriels exploitant des médicaments classés comme substances vénéneuses ou comportant de telles substances : 

  • lorsque des médicaments étroitement comparables, et présentant le même profil de risques, ne sont pas traités de façon identique (notamment sur les règles de prescription), le laboratoire « défavorisé » devrait pouvoir obtenir le rétablissement de l’égalité avec ses concurrents ; 
  • en revanche, l’ANSM est libre de rétablir l’égalité en alignant les médicaments soit sur le traitement le plus défavorable, soit sur le traitement le plus favorable. Suite à l’arrêt du 6 avril 2022 du Conseil d’Etat, elle pourrait donc en pratique soumettre à prescription obligatoire l’ibuprofène, plutôt que de passer le fénoprofène en prescription facultative. 

Ensuite, pour l’ensemble des industriels exploitant des produits de santé, les précisions apportées par le Conseil d’Etat pourraient être utilement invoquées sur les conditions subordonnant le remboursement de produits de santé ou la fixation de leur prix. 


[1] L’administration ne peut y déroger que si trois conditions sont remplies : (1) pour des raisons d’intérêt général, (2) si la différence de traitement est en rapport avec l’objet de la norme qui l’établit et (3) si la différence de traitement n’est pas manifestement disproportionnée.

[2] Arrêt Conseil d’Etat, 6 avril 2022, n°449623.


Le cabinet GD Avocats conseille et accompagne les industriels dans le cadre de leurs contentieux en matière de produits de santé. Contactez-nous par e-mail : contact@gd-associes.com

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