A côté de son article 17 qui modifie les conditions d’accès aux remises exonératoires de la clause de sauvegarde, précédemment analysé, l’article 38 du PLFSS révise de fond en comble les six régimes dérogatoires actuels d’accès au marché : l’ATU nominative, l’ATU de cohorte, le post-ATU, l’ATU en extension d’indication, la RTU et l’accès direct post-AMM, dernier né des régimes dérogatoires dont les plus anciens, les ATU nominatives et de cohorte, remontent à 1992.
A ces six régimes, le PLFSS propose de substituer deux régimes, celui de l’accès précoce et celui de l’autorisation à titre compassionnel, à titre individuel ou de cohorte. Comme aujourd’hui, les dispositifs de prise en charge de ces deux régimes font intervenir le reversement par le laboratoire de remises, mais dans des conditions profondément modifiées par rapport au régime actuellement applicable.
Examinons d’abord ce qu’il en est pour ce qui concerne la prise en charge des dispositifs d’accès précoce au marché.
Le régime des remises applicables dans le cadre des autorisations d’accès précoce : entre la remise majorée et la remise exonératoire de…remises
La prise en charge des dispositifs d’accès précoce fait l’objet des articles L 162-16-5-1 et L 162-16-5-1-1 du CSS dans leur nouvelle rédaction. Elle concerne exclusivement le secteur hospitalier.
Selon un mécanisme qui rappelle le régime actuellement applicable, le laboratoire déclare au CEPS le montant de l’indemnité qu’il demande aux établissements hospitaliers pour la spécialité qui bénéficie d’une autorisation d’accès précoce et qui, par hypothèse, ne figure pas sur une liste de prise en charge. Sur la base du chiffre d’affaires réalisé au titre de cette indemnité, le laboratoire reverse chaque année à l’URSSAF des remises que l’on pourrait qualifier de « provisionnelles ». Contrairement au régime actuel, ces remises sont donc versées, alors même que le prix de référence n’est pas fixé. C’est en ce sens qu’elles sont provisionnelles. Comme pour l’exonération de la clause de sauvegarde, le montant de ces remises est déterminé sur la base d’un arrêté qui fixe un barème progressif en fonction du chiffre d’affaires réalisé au titre de la spécialité concernée. La remise provisionnelle constitue donc la troisième novationintroduite par le PLFSS 2021 (les deux premières novations sont présentées dans notre article « PLFSS 2021, nouvelles variations sur un air connu (1/2) : Les remises exonératoires de la clause de sauvegarde »).
Ces remises peuvent être majorées en cas de manquement du laboratoire à ses engagements en matière de dépôt de dossier. L’introduction de la notion de « remise-sanction » constitue donc la quatrième nouveauté introduite par le PLFSS 2021 en matière de remises. Un décret en Conseil d’Etat doit fixer les modalités d’application de ce régime de majorations, afin qu’une partie du chiffre d’affaires réalisé ne donne pas lieu à reversement. Oui à la majoration, non à la spoliation !
La situation est régularisée une fois le prix de référence arrêté, soit qu’il y ait lieu à remboursement d’une partie des remises provisionnelles versées, soit qu’il y ait lieu au contraire à versement d’une remise complémentaire. La remise complémentaire est versée en une seule fois, l’année au cours de laquelle le prix de référence est arrêté.
Le laboratoire peut cependant être exonéré de la remise complémentaire s’il signe avec le CEPS une convention prévoyant le versement de…remises. La remise exonératoire de remises est donc la cinquième nouveauté résultant du PLFSS 2021. La convention prévoyant le versement de remises exonératoires doit être conclue avant le 1er mai de l’année qui suit celle de l’inscription au remboursement. Elle doit prévoir, soit que le versement de la remise exonératoire est échelonné sur deux ans, soit un versement « cash ». Dans ce cas, une décote est pratiquée dans la limite de 3 %. L’échelonnement du versement d’une remise et son corollaire, la décote, constituent donc la sixième nouveauté introduite par le PLFSS 2021 en matière de remises.
Comme pour les dispositions nouvelles proposées au titre de l’exonération de la clause de sauvegarde, ce dispositif pose la question de l’égalité de traitement. Si le versement de la remise échelonné sur deux annuités ne donne pas lieu à majoration, il est naturel que le laboratoire qui entend s’acquitter immédiatement de la totalité de la remise bénéficie d’une décote. Mais alors pourquoi donner au CEPS le pouvoir de fixer discrétionnairement le montant de cette décote ? Le paiement comptant doit se traduire par une décote de 3 % sans distinction entre les entreprises.
Enfin, l’autorisation d’accès précoce cesse de produire effet lorsqu’intervient l’inscription sur l’une des listes de prise en charge. En vertu de l’article L 162-16-5-4, le mécanisme des remises s’applique lorsque cette inscription ne concerne que la seule liste « collectivités ».
La prise en charge des autorisations et des cadres compassionnels
Lorsque la spécialité qui fait l’objet d’une autorisation ou d’un cadre compassionnel n’est inscrite sur aucune des listes de prise en charge pour au moins une de ses indications et qu’un forfait annuel par patient n’a pas été arrêté, des dispositions équivalentes à celles examinées ci-dessus au titre de l’accès précoce s’appliquent. A noter toutefois que, en l’absence d’engagement du laboratoire en matière de dépôt de dossier, le mécanisme de la remise exonératoire rencontré dans le cas des autorisations d’accès précoce ne trouve pas à s’appliquer.
Que conclure de ce rapide tour d’horizon ?
Sans nul doute que la régulation économique du médicament atteint aujourd’hui un niveau de complexité qui dépasse l’entendement. Tant du côté des administrations que du côté des entreprises, les dispositifs mis en place sont consommateurs de ressources humaines. Le dispositif actuel sert à enrichir deux URSSAF dont le « métier » est la collecte des cotisations de sécurité sociale du régime général. Il est urgent de confier le recouvrement des contributions pharmaceutiques à la recette des finances !