Les faits 

Un arrêt de la CJUE rendu le 25 novembre en réponse à une question préjudicielle posée par le tribunal administratif de Varsovie apporte d’intéressants rappels et précisions quant aux conditions d’expiration d’une autorisation d’importation parallèle d’un médicament. Le débat porte sur la légalité d’une décision administrative par laquelle les autorités polonaises ont constaté l’abrogation de plein droit d’une autorisation d’importation parallèle depuis la Tchéquie consentie en 2011 à Delpharm de la spécialité Ribomunyl, essentiellement similaire à la spécialité de référence du même nom dont l’AMM est venue à expiration le 25 septembre 2018. Conformément à la législation polonaise, les autorités polonaises ont, le 24 septembre 2019, constaté l’abrogation de plein droit de l’autorisation d’importation parallèle consentie en 2011, un an après l’abrogation en Pologne de l’AMM du princeps.

C’est la décision à l’origine du litige, confirmée sur recours administratif de Delpharm.

Les questions posées à la CJUE

Les questions posées à la CJUE portent sur le point de savoir si la réglementation polonaise qui prévoit l’abrogation de plein droit d’une autorisation d’importation parallèle à l’expiration d’un délai d’un an à compter de la date d’expiration, dans l’Etat membre d’importation, de l’AMM du princeps, sans examen d’un éventuel risque pour la santé et la vie des personnes, respecte le principe de libre circulation.

Plus précisément, le tribunal administratif s’interroge sur la compatibilité de la législation polonaise avec la jurisprudence antérieure de la CJCE qui a posé deux principes de base en la matière. Selon ces principes, la légalité de l’abrogation est en effet subordonnée, d’une part, à un examen individuel des motifs de l’abrogation et, d’autre part, à la prise en compte des motifs de nature à justifier le maintien de l’autorisation.

La réponse de la CJUE

L’arrêt Delpham du 25 novembre 2021 s’inscrit dans le droit fil de la jurisprudence antérieure de la CJUE en matière d’abrogation des décisions d’autorisation d’importation parallèle, pertinemment identifiée et interprétée par le tribunal administratif de Varsovie.

Rappelons que l’importation parallèle se définit comme une situation dans laquelle un médicament X qui bénéficie d’une AMM dans un Etat membre A est « importé » dans un Etat membre B dans lequel un médicament X’, essentiellement similaire à X, fait l’objet d’une AMM.

De ce rappel, la Cour déduit que la présence dans l’Etat d’importation de X’ fait obstacle à ce que X soit considéré comme mis sur le marché pour la première fois dans l’Etat membre « d’importation ». Dès lors, la situation ne relève pas du code communautaire du médicament qui ne concerne que les médicaments mis sur le marché pour la première fois dans l’Etat membre d’importation. La situation relève en revanche des articles 34 et 36 du TFUE relatifs à la libre circulation des marchandises. Ces articles interdisent les restrictions aux échanges, ainsi que les mesures équivalant à de telles restrictions, sauf pour celles-ci à être dument justifiées, notamment pour des motifs de santé publique.

Dans le prolongement de l’arrêt Ferring par lequel elle avait déjà jugé qu’une réglementation nationale qui prévoit la cessation automatique de la validité d’uune autorisation d’importation parallèle en raison du retrait de l’AMM de référence est contraire au principe de libre circulation (CJUE, 10 septembre 2002, Ferring, C-172/00), la Cour de justice juge sans surprise que la législation polonaise est incompatible avec le principe de libre circulation des marchandises.

L’application dans le cas de la France

La jurisprudence française est-elle conforme à celle de la CJUE ? 

Rien n’est moins sûr. En témoigne une ordonnance de référé en matière de produits phytopharmaceutiques dans laquelle le Conseil d’Etat refuse de s’interroger sur la légalité de l’article R. 253-52 du code rural qui prévoit un mécanisme d’abrogation de plein droit de l’AMM du produit « similaire » en cas d’abrogation ou de retrait de l’AMM de référence au motif d’un autre âge qu’il « n’appartient pas au juge des référés d’apprécier par voie d’exception la conventionnalité de dispositions réglementaires ; que le ministre était tenu de prendre la décision attaquée » (Conseil d’Etat, juge des référés, 8 août 2007, PHYTHERON 2000, req. 307563).

Nous sommes en 2007, 5 ans après l’arrêt Ferring ! Si les décisions attaquées seront finalement annulées par le juge du fond, c’est uniquement sur la base d’un moyen de procédure, sans que l’arrêt rendu par le juge du fond ne remette en cause le refus d’examen par le juge des référés du moyen pris de la violation du droit communautaire (Conseil d’Etat, 22 juin 2009, société PHYTHERON ; req. 307274).

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