En 2021, le Gouvernement relevait que près de 20% des remboursements de spécialités au titre de la liste « en sus » se rapportaient à des indications hors référentiel (i.e. des indications non inscrites sur la liste « en sus »). Il avait en particulier pointé du doigt la pratique des « AMM miroir »[1].
C’est pour régulariser cette situation et réaliser des économies estimées à 100 millions d’euros par an que l’article 59 de la LFSS pour 2022 a été adopté (voir notre article du 22 octobre 2021).
L’entrée en vigueur de cet article était conditionnée à un certain nombre de mesures d’application. La première d’entre elles a été publiée au Journal officiel ce matin : il s’agit du décret n° 2023-518 du 27 juin 2023 relatif aux modalités d’autorisation et de prise en charge des médicaments en association de traitement.
Autorisation d’utilisation et de prise en charge des AMM miroir
Pour mémoire, la LFSS pour 2022 prévoit que les ministres pourront autoriser l’utilisation et la prise en charge de spécialités inscrites pour une première indication sur la liste « en sus » et susceptibles d’être utilisées en association, concomitamment ou séquentiellement avec une spécialité dans une autre indication pour laquelle elles n’ont pas d’autorisation de commercialisation (AMM, accès précoce ou compassionnel).
Le décret publié ce matin précise que cette autorisation d’utilisation et de prise en charge prend la forme d’une inscription sur une liste ad-hoc (« liste L. 162-18-1 »).
L’inscription peut être décidée :
- soit sur sollicitation de l’exploitant[2] de la spécialité ayant une « AMM miroir ». Dans ce cas :
- l’entreprise doit fournir un dossier dont la composition sera définie par arrêté des ministres (non publié à ce jour)
- les ministres ont 90 jours pour prendre une décision sur la demande (hors périodes de suspension éventuelles)
- soit à l’initiative des ministres. Dans ce cas, l’exploitant a la possibilité de présenter des observations (écrites uniquement), mais les textes ne lui permettent pas de s’opposer à l’inscription de sa spécialité sur la liste L. 162-18-1. Or, l’inscription est assortie de remises obligatoires.
Prise en charge des AMM miroir
Application du tarif de responsabilité fixé pour les autres indications
Le décret précise que, lorsqu’une spécialité inscrite sur la liste L. 162-18-1 est administrée, pour une indication d’ « AMM miroir », elle est prise en charge « en sus » sur la base du tarif de responsabilité applicable à ses autres indications.
Remises obligatoires et articulation avec les remises conventionnelles
Mais il est également prévu que, tant que la spécialité ne bénéficie pas (i) d’un accès précoce ou (ii) d’une AMM et d’une prise en charge (inscription sur la liste « ville » ou « hôpital ») dans l’indication considérée, l’exploitant est redevable de remises obligatoires.
Le dispositif de remises obligatoires est similaire à celui qui a été mis en place pour l’accès compassionnel. Ainsi :
- les remises doivent être versées chaque année
- elles sont calculées sur la base du chiffre d’affaires HT facturé aux établissements de santé au titre de l’indication d’ « AMM miroir »
- leur taux sera défini selon un barème progressif par tranche de chiffre d’affaires, fixé par arrêté des ministres (non publié à ce jour).
Enfin, sur l’articulation entre les remises obligatoires et remises conventionnelles :
- le fait que des remises conventionnelles soient déjà fixées sur l’indication d’ « AMM miroir » n’exempte pas cette indication de remises obligatoires
- en revanche, le décret précise que les remises conventionnelles qui seraient dues sur le chiffre d’affaires réalisé sur l’indication d’ « AMM miroir » seront déductibles du montant total de remises dues par l’entreprise.
Une question demeure : si, au contraire, les remises obligatoires dépassent les remises conventionnelles sur une indication d’ « AMM miroir », une renégociation de la convention s’impose-t-elle au CEPS ?
Quoi qu’il en soit, et comme pour les autres remises obligatoires (accès précoce et compassionnel notamment), l’entreprise pourra contester le montant des remises :
- avant leur fixation « définitive » par le CEPS : en effet, une procédure contradictoire permet à l’industriel de faire valoir ses observations (écrites et orales) sur le projet du CEPS
- après la décision du CEPS fixant le montant des remises : rappelons que cette décision peut faire l’objet d’un recours gracieux et/ou contentieux dans un délai de 2 mois.
Fin d’autorisation d’utilisation et de prise en charge
Le décret précise que les ministres ont l’obligation de mettre fin à l’autorisation d’utilisation et de prise en charge des « AMM miroir » dans trois cas :
- la spécialité est radiée de la liste « en sus »
- la ou les spécialités avec lesquelles elle est utilisée en association sont déremboursées ou il est mis fin à leur accès précoce sans qu’une prise en charge de droit commun ne soit octroyée ;
- la spécialité est inscrite, dans l’indication d’ « AMM miroir », sur la liste hôpital ou fait l’objet d’un accès précoce.
Par ailleurs, les ministres ont la possibilité de mettre fin à l’autorisation d’utilisation et de prise en charge si l’industriel ne verse pas les remises dues.
[1] Indication AMM attribuée pour un médicament A en association à un médicament B alors que B n’est pas porteur de cette AMM.
[2] L’inscription peut également être sollicitée par le distributeur parallèle ou l’importateur parallèle.