On se souvient que la LFSS pour 2022 a créé un nouveau mode de prise en charge dérogatoire pour les médicaments : l’accès direct (voir notre article du 18 novembre 2021).
Ce régime expérimental doit permettre la prise en charge de certaines spécialités dès l’avis de la Commission de la transparence si celle-ci conclut à service médical rendu (SMR) majeur ou important et à une amélioration du service médical rendu au moins mineure (ASMR IV).
L’entrée en vigueur de ce dispositif, initialement prévue le 1er juillet 2022 au plus tard, est en pratique conditionnée par l’adoption de plusieurs textes d’application.
Avec près d’un an de retard sur le calendrier fixé par la LFSS pour 2022, le décret n° 2023-367 a été adopté samedi 13 mai. Il précise notamment les modalités de prise en charge au cours de l’accès direct et à la sortie de ce dispositif. Il ne permet toutefois pas l’entrée en vigueur du dispositif (d’autres textes étant attendus).
Conditions de prise en charge au cours de l’accès direct
Fixation du prix
Le décret du 13 mai 2023 prévoit deux hypothèses :
- si la spécialité est prise en charge dans au moins une indication[1] et dispensée en établissement de santé ou en PUI, les conditions de tarif et de prix déjà fixées s’appliquent à la ou aux indication(s) concernée(s) par l’accès direct;
- dans les autres cas, l’exploitant fixe librement le montant de l’indemnité qu’il réclame pour la ou les indication(s) concernée(s) par l’accès direct.
Fixation des remises
Pour mémoire, la LFSS pour 2022 prévoit un double mécanisme de remises, similaire à celui de l’accès précoce. Ainsi, les industriels qui bénéficient de l’accès direct sont redevables de :
- remises annuelles : le taux des remises sera calculé en fonction d’un barème par tranche de chiffre d’affaires que les ministres doivent encore fixer. Le décret n° 2023-367 précise que le barème tiendra compte de la durée de prise en charge de la spécialité au titre de l’accès direct au cours de l’année considérée ;
- remises « de débouclage » : le montant des remises correspond à la différence entre le chiffre d’affaires réalisé par le laboratoire (déduction faite des remises annuelles) et le chiffre d’affaires qui aurait résulté de la valorisation des unités vendues au prix net de référence in fine fixé par le CEPS.
Les industriels disposent de deux « fenêtres de tir » pour contester le montant des remises et le prix net de référence :
- d’abord, comme le précise le décret, les montants envisagés par le CEPS doivent faire l’objet d’une procédure contradictoire au cours de laquelle les industriels peuvent présenter des observations écrites et orales ;
- ensuite, la décision « définitive » du CEPS pourra faire l’objet d’un recours administratif et/ou contentieux.
Prise en charge post-accès direct (droit commun) : des modalités rédhibitoires ?
En principe, comme pour l’accès précoce, le CEPS et l’industriel négocient le prix de la spécialité ayant fait l’objet de l’accès direct, sur la base des critères posés par l’article L. 162-16-4 du code de la sécurité sociale[2].
Toutefois, la loi impose au CEPS de fixer unilatéralement le prix lorsqu’aucun accord conventionnel n’est signé dans un délai de dix mois à compter de la décision de prise en charge au titre de l’accès direct.
Cette disposition limite considérablement l’attractivité du dispositif d’accès direct. Cela étant, elle s’inscrit dans un contexte global de mesures restreignant la politique conventionnelle. En effet, le CEPS – qui pouvait déjà fixer unilatéralement le prix facial des médicaments – peut, depuis le 25 décembre 2022, fixer unilatéralement les remises (et donc le prix net) des spécialités inscrites sur la liste « ville » ou la liste « en sus » (voir notre article du 10 janvier 2023).
En cas d’échec des négociations, les industriels peuvent retirer leur demande d’inscription sur les listes de prise en charge. Toutefois, ils ont l’obligation de permettre l’achat du médicament, au prix de référence fixé par le CEPS, pendant au minimum un an à compter de l’arrêt de l’accès direct pour permettre la continuité des traitements initiés.
[1] Seuls sont ici visés les modes de prise en charge suivants : liste rétrocession, liste « en sus », liste « collectivités » et accès compassionnel si la dispensation a lieu en établissement de santé ou en PUI. En effet, le dispositif d’accès direct n’est pas ouvert aux spécialités prises en charge sur la liste « ville » ou au titre l’accès compassionnel si elles sont dispensées en pharmacie d’officine.
[2] La fixation du prix tient compte principalement de l’amélioration du service médical rendu par le médicament, le cas échéant des résultats de l’évaluation médico-économique, des prix des médicaments à même visée thérapeutique, des volumes de vente prévus ou constatés ainsi que des conditions prévisibles et réelles d’utilisation du médicament. Elle peut également tenir compte de la sécurité d’approvisionnement du marché français que garantit l’implantation des sites de production (« critère industriel »).